La délégation unique du personnel

Par Fabrice AllegoetLe 25 août 2015

Apparue la première fois en décembre 1993 (loi n°93-1313 du 20 décembre 1993), la délégation unique du personnel, appelée de façon plus raccourcie, la DUP, a fait récemment parlé d’elle, avec la publication de la loi dite Rebsamen (loi 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi), de son auteur, ministre du travail. La DUP ne s’est pas imposée dans les entreprises de moins de 200 salariés depuis sa création, curieuse idée face à ce constat, d’élargir l’assiette des effectifs afin de permettre aux entreprises jusqu’alors écartées de recourir à la faculté de mettre en place une délégation unique du personnel. Faut-il y voir une réelle avancée sociale, faut-il craindre pour la survie des institutions comme le comité d’entreprise, le CHSCT ou encore les délégués du personnel ?

Comment se définit la délégation unique du personnel ?

Il s’agit d’une structure d’accueil de plusieurs représentations des salariés formant une unique institution de représentants du personnel mais conservant respectivement leurs prérogatives ; ainsi, un même élu se distinguera lorsqu’il agira en qualité de délégué du personnel, lorsqu’il œuvrera en tant que membre du comité d’entreprise ou dès lors qu’il honorera des missions d’hygiène et de sécurité (article L2326-3 du code du travail). Cette faculté car il ne s’agit pas d’une obligation était ouverte jusqu’au 18 août 2015 aux entreprises dotée d’un comité d’entreprise (l’effectif est donc d’au moins 50 salariés) et n’ayant pas plus de 199 salariés (article L2326-1 du code du travail – ancien). Précisons que les délégués du personnel sont mis en place dans les entreprises à partir de 11 salariés (article L2312-2 du code du travail).

La loi Rebsamen a modifié l’article L2326-1 du code du travail depuis le 19 août 2015 afin d’en étendre d’une part le niveau de l’effectif visé (passant nativement de moins de 200 à moins de 300 salariés) et d’autre part, en y introduisant au sein de cette délégation unique, le CHSCT (nouvelle version de l’article).

L’employeur devra néanmoins prendre cette décision après avoir consulté les délégués du personnel et, s’ils existent, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

Est-ce une aubaine de fonctionner en DUP ?

Pour l’employeur, fonctionner en dehors d’une délégation unique du personnel, suppose de mettre en place trois élections professionnelles. Celles des délégués du personnel (DP) et des représentants du personnel au comité d’entreprise (CE) organisées concomitamment, c’est-à-dire à la même date (article L2314-6 du code du travail). Cela s’explique notamment par le fait que les mandats sont d’une durée unique de 4 ans (sauf dérogations). Puis, il faut organiser l’élection du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), dont les membres sont élus pour 2 ans (article R4613-5 du code du travail).

La nouvelle délégation unique du personnel n’oblige qu’à une seule élection ; ceci augure un gain de temps qui sera sans nul doute apprécié de nombreux employeurs.

Pour les membres de ces institutions, les bénéfices risquent d’être moins flagrants. Il est à noter que le nombre de représentants va proportionnellement diminuer, de même que le nombre d’heures de délégation ainsi que le nombre de réunions.

Précisons à cet effet, qu’à effectif égal le nombre de membres du personnel constituant la délégation unique sera inférieur au total obtenu en additionnant le nombre de délégués du personnel, de membres du comité d’entreprise et du CHSCT en cas de maintien des trois institutions. Le nombre d’heures de délégation à l’heure actuelle porté à 20 heures pour les membres de la DUP va être modifié par un décret à paraître. Notons que le crédit d’heures du comité d’entreprise est de 20 heures et jusqu’à 15 heures pour les délégués du personnel, élus séparément et sans considérer les heures dévolues aux membres du CHSCT.

Par ailleurs, pour un même élu du personnel, devoir s’acquitter de tâches aussi complexes que très diverses qu’impliquent l’ensemble des prérogatives de ces trois instances réunifiées en une seule délégation, ne sera pas chose aisée au quotidien. Il faut espérer que l’ensemble des élus intégrés au sein de cette délégation unique du personnel, prendront le temps de se former afin d’être avisés de leurs rôles respectifs et missions courantes.

Que change la loi pour la délégation unique du personnel ?

La mesure la plus emblématique va directement impacter la périodicité des réunions. Notons qu’en dehors de la délégation unique du personnel, un comité d’entreprise était réuni soit tous les deux mois (réunions bimestrielles) dans les entreprises dont l’effectif était de moins de 150 salariés soit pour les autres mensuellement. Les délégués du personnel le sont chaque mois et les membres du CHSCT, chaque trimestre a minima.

Nous le soulignions ci-avant, chaque instance représentative du personnel, bien qu’intégrée au sein d’une délégation unique, conservera ses attributions en considérant toutefois quelques aménagements prévus par la loi. Ainsi, la délégation se réunira au moins une fois tous les deux mois sur convocation de l’employeur (article L2326-5 1° du code du travail). Autrement dit, c’est la fin automatique des réunions mensuelles de la DUP qui étaient prévues dans l’ancienne version de l’article L2325-14 du code du travail (LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 – art. 43). Dans sa nouvelle rédaction, la DUP n’y est plus relatée. Il est précisé dorénavant que les entreprises de moins de 300 salariés tiendront leurs réunions de comité d’entreprise tous les deux mois au moins (LOI n°2015-994 du 17 août 2015 – art. 22) ; la faculté de tenir une seconde réunion (extraordinaire) demeure.

Pour le CHSCT, le changement sera moins flagrant car sur les 6 réunions annuelles annoncées pour la nouvelle délégation unique, au moins quatre de ces réunions devront prévoir des sujets portant sur ces prérogatives ; toutefois, il ne s’agit pas de réunions distinctes comme c’est le cas à l’heure actuelle lorsque l’instance est indépendante.

L’autre changement important, c’est la désignation officielle d’un secrétaire-adjoint qui deviendra le secrétaire du CHSCT. Le secrétaire sera rattaché au comité d’entreprise. Jusqu’à la parution de la loi, la désignation d’un secrétaire-adjoint relevait d’une faculté (article L2326-5 2° du code du travail). Il semble toutefois à la lecture du 3ème alinéa de cet article du code du travail, que le secrétaire-adjoint ne participera pas avec l’employeur à la fixation de l’ordre du jour de la délégation unique. C’est une orientation qui tend à réduire le champ du secrétaire du CHSCT lorsqu’il agit au sein de la DUP.

La mise en place des réunions de la DUP, donneront lieu à un unique ordre du jour. Pour les missions du CE et du CHSCT, cela paraît évident, ces deux institutions fonctionnement depuis toujours avec tant un ordre du jour qu’avec un procès-verbal de réunion. Mais qu’en est-il des délégués du personnel ? Les réclamations seront-elles portées également dans cet ordre du jour unique et les réponses de l’employeur seront-elles retranscrites dans le procès-verbal de réunion ?

Qu’adviendra-t-il du registre spécial des DP ? Les réunions mensuelles des délégués du personnel, vont-elles disparaitre dans le cadre de la nouvelle DUP ? Pour l’heure, pas de réponse, il faut attendre la parution des futurs décrets d’application pour y répondre.

Les décrets d’applications en diront davantage

Nous devons attendre patiemment la promulgation des décrets d’application portant sur cette loi pour répondre à ces questions et à tant d’autres. Nous pouvons au moins dire que cette nouvelle délégation ne simplifiera pas la mission des représentants du personnel. Pour autant, il y a aussi des avancées portant notamment sur une meilleure implication des membres suppléants. En effet, les membres titulaires de la délégation unique du personnel pourront, chaque mois, répartir entre eux et avec les membres suppléants, le crédit d’heures de délégation dont ils disposeront. C’est une pratique qui était observée auparavant mais qui n’avait pas de statut légal, c’est chose faite (article L2326-6 2° du code du travail).

Pour aller plus loin :

Lire l’ensemble du contenu de la loi relatif au dialogue social et à l’emploi (PDF) ;

Synthèse des avancées de la loi relative au dialogue social et à l’emploi (PDF) ;

Article Loi Rebsamen et l’avenir du comité d’entreprise (BLOG INGENIUM CONSULTANTS).

Auteur de l'article: Fabrice Allegoet

Fabrice ALLEGOET est un formateur confirmé et certifié en droit social qui s'est spécialisé dans différentes matières (santé et sécurité au travail, RSE et développement durable, management et communication en entreprise). Il est l'animateur des Podcasts "Le CSE En Clair" et "Le Droit de Savoir by CÉOS".