Égalité professionnelle au travail

Par Charleine AmelineLe 19 novembre 2017

Le droit du travail a consacré depuis déjà des décennies l’obligation d’encourager une parfaite égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Le 4 août 1789, la France insurgée proclame l’abolition des privilèges. Le principe d’égalité en droit est consacré quelques jours plus tard dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Clef de voute de tout système politique démocratique, il est aussi valable dans le monde du travail. Deux canaux sont principalement empruntés pour assurer l’égalité professionnelle. Le code du travail consacre un titre entier à la lutte contre les discriminations.

Il contient aussi de nombreuses mesures destinées à encourager les entreprises dans leurs démarches en faveur de l’égalité professionnelle.

Droit à une égalité professionnelle au travail

Le principe de non-discrimination constitue l’un des piliers du droit du travail français. Les célèbres articles L1132-1 et suivants du code du travail dressent une liste exhaustive des vingt-cinq critères discriminatoires. Parmi eux figurent notamment l’âge d’une personne, le sexe, l’origine, l’état de santé, etc. Les employeurs n’ont pas le droit de s’appuyer sur l’un de ces éléments pour prendre une décision concernant l’embauche d’un salarié, sa rémunération ou le déroulement de sa carrière. Aucune sanction disciplinaire ne peut être justifiée par l’un de ces motifs.

Les exemples de discrimination directe sont nombreux. Les juges se montrent particulièrement vigilants.

Récemment, l’organisation patronale de l’École de Ski français a pu constater leur intransigeance. Cette dernière avait décidé d’imposer aux moniteurs âgés de plus de soixante-deux ans, une réduction de leurs heures de cours. Le syndicat présentait cette mesure comme destinée à favoriser l’insertion des jeunes diplômés. La Chambre sociale a écarté cet argument, jugeant discriminatoire cette réduction d’activité (Cass. Soc. 17 mars 2015 N°13-27.142). Mais une discrimination n’est pas toujours aussi directement visible.

Une mesure en apparence anodine peut entrainer une différence de traitement illégale.

La jurisprudence se confronte régulièrement à de telles situations. Dans le secteur des hippodromes par exemple, un régime de retraite supplémentaire n’accordait d’allocations qu’aux salariés ayant travaillé plus de deux cents heures, chaque trimestre, pendant quinze ans. La Cour de cassation a considéré que cette mesure défavorisait les travailleurs à temps partiel. Elle pénalisait par ricochet les femmes, statistiquement plus concernées par ce type d’emplois (Cass. Soc. 3 juillet 2012 N°10-23.013).

Les moyens de lutte contre les discriminations

La lutte contre les discriminations est devenue un thème politique phare. Sous l’impulsion du droit européen, le législateur français s’est engagé dans la bataille. Depuis janvier dernier par exemple, la loi exige que les chargés de recrutement suivent une formation de prévention de la discrimination à l’embauche (article L1131-2 du Code du travail). L’opération doit être renouvelée tous les cinq ans. Cette obligation ne concerne malheureusement pas toutes les entreprises. Seules les entités de plus de trois cents salariés et les sociétés de recrutement sont concernées.

Des efforts ont été réalisés pour faciliter les actions en justice, notamment en matière de preuve.

Le salarié n’a plus à prouver ce qu’il reproche à son employeur. Il se contente d’exposer au juge les faits constitutifs de la discrimination dont il s’estime victime. À l’adversaire de démontrer en quoi la mesure prise n’était pas discriminatoire. Vers qui se tourner en cas de litige ? Avant d’entamer une procédure contentieuse, le salarié peut se tourner vers le défenseur des droits. Ce dernier tentera de trouver une issue amiable au conflit. Il peut aussi saisir le conseil des prud’hommes, pour demander l’annulation de la mesure discriminatoire et la réparation de son préjudice.

Dans l’hypothèse d’un licenciement nul, par exemple, l’employeur devra réintégrer le salarié à son poste de travail.

Mais ce dernier reste en droit de refuser la réintégration. Il peut préférer être indemnisé. Le montant de l’indemnisation devra au moins être égal à six mois de salaire. Le salarié a aussi la possibilité de porter plainte. L’employeur s’expose alors à une sanction pénale. La peine peut s’élever à trois ans de prison et 45.000 euros d’amende.

Conseil d'Expert

Lorsque plusieurs personnes sont victimes de discrimination, un syndicat représentatif ou une association peuvent intenter une action de groupe devant le tribunal de grande instance (TGI).

Mesures en faveur d’une égalité professionnelle

La lutte pour l’égalité professionnelle a longtemps été concentrée sur l’asymétrie entre les hommes et les femmes dans les entreprises. Le législateur multiplie les mesures d’éradication du sexisme au travail. Il enjoint au patronat et aux représentants des salariés d’unir leurs efforts. L’égalité homme-femme fait obligatoirement l’objet de négociations, à différents niveaux. Dans les branches, le sujet est abordé tous les trois ans. La question est aussi intégrée dans la négociation quinquennale sur les classifications. Les entreprises engagent ces négociations chaque année.

Rappelons que conformément aux nouvelles dispositions issues de la réforme du 22 septembre 2017, un accord de branche ou d’entreprise peut désormais fixer une autre périodicité aux négociations obligatoires.

Parfois les discussions n’aboutissent pas à la signature d’un accord. L’employeur doit alors élaborer lui-même un plan d’action. Dans les entreprises auxquelles l’obligation de négocier ne s’applique pas, l’employeur est tout de même tenu d’engager des démarches en la matière. Il peut notamment procéder à un diagnostic de la situation dans son entreprise. L’égalité professionnelle homme-femme fait l’objet d’une consultation annuelle du Comité d’entreprise (CE). Attention, à partir du 1er janvier 2018, le Comité économique social (CSE) devient la nouvelle instance unique de représentation du personnel.

Formation

Pour préparer cette réunion, les membres du Comité peuvent s’appuyer sur les éléments contenus dans la base de données économiques et sociales.

Ils peuvent aussi mettre à profit les travaux de la commission pour l’égalité professionnelle. Dans les entreprises d’au moins trois cents salariés, elle doit être créée au sein de chaque CE L’obligation concernera dorénavant les CSE.

L’égalité professionnelle en matière de rémunération

Les prémices du principe de l’égalité des rémunérations apparaissent dans les années soixante-dix. Mais cette première loi se limitait aux inégalités entre les genres (article L3221-2 du Code du travail). Il fallut attendre 1996 pour que la jurisprudence affirme l’extension de ce principe à tous les salariés (Cass. Soc. 29 octobre 1996 N°92-43.680). Depuis, la jurisprudence veille au grain en matière d’égalité salariale. Elle tolère certains écarts entre des salariés effectuant des tâches identiques. Mais elle exige qu’une telle différence de rémunération soit justifiable. Elle a par exemple donné raison à un trader auquel l’employeur avait retiré une prime, peu avant de le licencier. Le salarié arguait que la suppression de son bonus le plaçait abusivement dans une situation inégalitaire face à ses collègues de travail (Cass. Soc. 30 avril 2009 N°07-40.527).

Jurisprudence

Pour l’octroi de certains avantages, comme des tickets restaurant par exemple, appartenir à des catégories professionnelles différentes n’est pas non plus considéré comme un critère de différenciation recevable.

Qu’en est -il des différences de traitement avalisées par une convention collective ? Les juges les ont tout d’abord prohibées. Puis la jurisprudence a évolué. Un accord collectif traduit une entente entre le patronat et les salariés. La signature de ces derniers suffit à légitimer une inégalité salariale entre les différentes catégories professionnelles (Cass. Soc. 27 juillet 2015 N°13-17.622).

Égalité professionnelle entre les salariés stables et les travailleurs précaires

Le Code du travail rappelle que la loi, les conventions collectives et les usages de la profession sont d’égale application entre un salarié en contrat à durée indéterminée (CDI) et une personne sous contrat à durée déterminée (CDD). À qualifications et postes équivalents, les rémunérations doivent rester égalitaires. Pour compenser l’instabilité inhérente à son contrat, le salarié en CDD perçoit une prime de précarité. Seules les règles régissant la rupture du contrat restent particulières à chacun.

Les dispositions relatives à l’égalité professionnelle concernent également les intérimaires.

Ces derniers doivent pouvoir accéder aux parties communes et aux moyens de transport mis à disposition par l’entreprise. L’article L3123-5 du Code du travail pose le principe d’égalité entre les salariés à temps partiel et les temps pleins, en matière de rémunération et de conditions de travail. Leur ancienneté se calcule comme celle d’un salarié à temps complet. La rémunération est proportionnelle au temps de travail. Cette règle s’applique également aux primes. Une personne à mi-temps, par exemple, percevra chaque année un demi treizième mois.

Jurisprudence

En ce qui concerne les primes d’objectifs, les juges rappellent que la fixation de ceux-ci doit prendre en compte le temps de travail réduit de la personne à temps partiel (Cass. Soc. 4 décembre 1990 N°87-42.341).

Auteur de l'article: Charleine Ameline

Juriste en droit social, Charlène Ameline a commencé par exercer son métier dans une organisation syndicale. Aujourd'hui en freelance, elle s’est spécialisée dans la rédaction d'articles web sur les différents thèmes du droit du travail. En septembre prochain, elle commencera une préparation à l’examen d’entrée à l’école des Avocats.