L’enjeu de la réunion préparatoire du CE

Par Fabrice AllegoetLe 26 juillet 2015

Avant une compétition, nul ne doute ou n’est surpris que les athlètes se préparent à affronter sportivement les épreuves. Un artiste organise des répétitions afin d’orchestrer chaque phase de son spectacle pour ne pas être surpris par d’éventuels imprévus pouvant gâcher sa prestation. Les membres du comité d’entreprise doivent aussi se préparer avant d’aborder les sujets importants entrant dans le champ de leurs nombreuses prérogatives en lien avec leur rôle économique et social. Il n’y a donc pas de place à l’amateurisme. La réunion préparatoire du CE n’est pas une option.

Lors de chaque réunion ordinaire ou extraordinaire du CE, les élus du comité d’entreprise vont devoir analyser les projets de l’employeur, décrypter ses réponses, étudier les conséquences pour les salariés. Ils vont devoir également argumenter, présenter des contre-propositions, négocier avec l’employeur. Les élus se risqueront à questionner le chef d’entreprise ; leurs questions pour être efficaces, seront précises, clairement orientées vers un objectif préalablement défini et les réponses apportées par l’employeur devront être satisfaisantes afin que le questionnement ainsi engagé puisse être concluant.

Tout cela repose sur un travail préparatoire poussé et couplé à la mise en place d’une stratégie réfléchie et organisée.

Une réunion préparatoire du CE peut être initiée et prévue par le règlement intérieur de l’instance. En effet, la réunion préparatoire du CE est légalement non prévue. Il se peut que le comité souhaite toutefois encadrer la manière dont ces réunions seront mises en place afin qu’elles soient correctement organisées. Il est conseillé de prévoir une disposition à ce sujet dans le règlement intérieur du comité d’entreprise afin d’envisager toutes les règles afférentes à l’organisation et à l’animation d’une telle réunion de travail.

Il pourrait être indiqué par exemple lors d’une réunion préparatoire, que l’ensemble des membres élus peuvent librement s’exprimer, peu importe qu’ils soient titulaires ou suppléants. Il conviendra également de préciser que ces réunions se dérouleront logiquement dans le local du comité d’entreprise (article L2325-12 du code du travail). Peut-être serait-il utile d’envisager le recours à la visio-conférence pour s’assurer de la participation de tous les membres ?

D’autres questions peuvent être soulevées afin de structurer encore davantage l’organisation : l’initiateur de la réunion préparatoire chaque mois (le secrétaire, un élu désigné à chaque séance…) ; le moment où le comité souhaite se réunir (prévoir un calendrier des sessions) ; la durée de chaque réunion (prévoir un temps suffisant au traitement de chaque sujet) ; les horaires pour prendre en compte les impératifs de chacun et l’absence d’heures de délégation des suppléants….

L’ordre du jour se construit en réunion préparatoire du CE

Le code du travail, lorsqu’il est question de l’ordre du jour du comité d’entreprise, précise qu’il est arrêté conjointement entre le secrétaire du CE et le chef d’entreprise, président du CE (article L2325-15 du code du travail) ou son représentant dûment mandaté (Cass. soc. 10 juillet 2002, n° 00-16827).

Toutefois, cela ne signifie pas qu’il incombe exclusivement au secrétaire du CE de réaliser le projet d’ordre du jour du comité d’entreprise. De même que l’employeur ne peut pas imposer le sien. Rappelons qu’un ordre du jour rédigé unilatéralement par l’un ou l’autre de ces acteurs, rendrait la réunion illégitime et toute délibération serait caduque et inopérante (Cass. soc. 14 janvier 2003, n° 01-10239).

1/ L’ordre du jour se rédige en deux temps avant d’être arrêté

Il est essentiel pour le comité d’entreprise que les élus contribuent pleinement à l’élaboration de l’ordre du jour de toutes les réunions du CE y compris les réunions exceptionnelles ou extraordinaires. Les attentes du comité pourront davantage s’exprimer collectivement ; il ne faut pas oublier qu’au cours des réunions du CE, les élus parlent au nom de l’institution et pour elle. Faut-il alors que les élus puissent accorder leurs violons en amont des séances plénières. Soulignons que lors des réunions, il ne faut pas laisser à l’employeur la possibilité de tirer profit de possibles divisions entre les membres ; les querelles d’opinions ou de points de vue sont donc à proscrire.

Lors de la réunion préparatoire, les élus exploreront ensemble les points qu’ils souhaitent porter à l’ordre du jour en prenant soin de ne pas écarter ceux imposés par la loi. À chaque réunion, des obligations périodiques en matière d’information et de consultation du comité d’entreprise sont à inscrire à l’ordre du jour. Les membres du CE devront en outre s’entendre sur les points qui sont prioritaires comme ceux qui font état d’un avis consultatif, d’une résolution, elle-même précédée d’un vote des titulaires. Il faut éviter le piège d’un ordre du jour imprécis car le risque c’est l’enlisement des discussions et une ouverture sur des sujets polémiques ; il est dans ce cas primordial de ne pas généraliser les demandes et ne pas céder à la tentation des questions diverses, véritable fourre-tout qui ne répond pas ni à l’esprit de précision ni à celui de la qualité que l’on est en droit d’escompter de l’ordre du jour standard.

2/ Le secrétaire représente les intérêts du CE

Une fois établi, c’est au tour de l’employeur et du secrétaire du CE de s’accorder sur le contenu définitif de l’ordre du jour ; le secrétaire représente et défend les intérêts du CE et l’employeur, président du comité, parle au nom et pour la direction de l’entreprise. L’objectif étant toutefois pour le secrétaire de ne pas être conduit à revoir les demandes exposées par le comité. Il doit aussi veiller à ce que les points ajoutés à la demande de la direction puissent être traités dans le respect de la loi ; par exemple, si l’employeur souhaite recueillir l’avis du comité sur le bilan social, faut-il lors de l’établissement de l’ordre du jour qu’il assure au secrétaire que le bilan sera envoyé avant la réunion à l’ensemble des élus.

Optimiser la qualité de vos réunions de CE

Le temps d’une réunion de comité d’entreprise, les enjeux sont importants et les acteurs en présence le savent bien, ce qui peut expliquer l’existence de certaines tensions. Il convient de préparer la réunion afin d’anticiper les difficultés qui peuvent déstabiliser même les plus aguerris. Qui prend la parole, combien de temps, quel ton employer… ?

Toutes ces questions doivent naturellement trouver une réponse en réunion préparatoire pour couler de source lors de la réunion plénière.

Il est conseillé d’organiser au mieux la prise de parole des membres du CE de sorte à s’éviter la cacophonie et le risque que chaque élu soit tenté de poser des questions personnelles, en dehors de toute considération collective.

N’oublions pas que les débats seront retranscrits le plus fidèlement possible dans le procès-verbal du comité d’entreprise ; les prises de parole seront donc relatées (article R2325-3 du code du travail). Elles peuvent par ailleurs être authentifiées par leur auteur soit être synthétisées pour faciliter la lecture des salariés à qui le PV de CE est en principe destiné.

Auteur de l'article: Fabrice Allegoet

Fabrice ALLEGOET est un formateur confirmé et certifié en droit social qui s'est spécialisé dans différentes matières (santé et sécurité au travail, RSE et développement durable, management et communication en entreprise). Il est l'animateur des Podcasts "Le CSE En Clair" et "Le Droit de Savoir by CÉOS".