Les maladies professionnelles reconnues

Par Olivia RougeotLe 4 janvier 2017

Le scandale de l’amiante à l’origine de plusieurs décès explique la vigilance croissante du législateur à propos des maladies professionnelles reconnues pouvant intervenir au sein de l’entreprise. Pour inciter à davantage de prévention de la part des employeurs, tout en protégeant souplement les salariés, il existe des règles fixées par le code de la sécurité sociale.

Liste des maladies professionnelles reconnues

Les tableaux annexés au livre IV du code de la sécurité sociale dressent une liste de maladies professionnelles présumées reconnues, autrement dit des maladies que l’on préjuge imputables au risque professionnel. Mais, parallèlement ces tableaux visent aussi les conditions précises dans lesquelles ces maladies doivent être contractées. Autrement dit, la présomption ne vaut réellement que lorsque la maladie fait non seulement partie d’un tableau, mais qu’elle a en outre été contractée dans les conditions indiquées précisées à l’article L461-1 du code de la sécurité sociale. Les conditions requises par le code sont relatives au délai de prise en charge pendant lequel la maladie doit nécessairement être constatée et aux travaux susceptibles d’être à l’origine de la maladie sachant que suivant les tableaux, la liste des travaux est limitative ou indicative. 

Le salarié doit nécessairement effectuer un de ces travaux pour être victime.

L’intérêt que la maladie professionnelle soit présumée reconnu présente un avantage pour le salarié victime dont aucune preuve n’est exigée ; il n’a pas en effet à prouver le lien de causalité entre la maladie et son activité professionnelle. Il est à noter toutefois que cette présomption n’est pas irréfragable et peut être renversée par l’employeur ou la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) prouvant soit que la maladie n’est pas due au travail soit qu’elle provient d’un lien avec une maladie antérieure.

Système complémentaire de reconnaissance

La législation offre par ailleurs une autre possibilité de reconnaître le caractère professionnel d’une maladie quand bien même cette dernière ne se trouve pas dans les listes dressées par les tableaux. Autrement dit, il s’agit d’un autre moyen d’intégrer la maladie à la liste des maladies professionnelles reconnues. Cette reconnaissance se fait alors par la CPAM, par le biais d’une expertise individuelle confiée à un comité régional dit comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).

Question

Quels sont les cas concernés par ce système complémentaire de reconnaissance ?

Il y en a deux. La maladie figure dans un des tableaux, mais une ou plusieurs conditions dans lesquelles elle doit normalement être contractée font défaut ; elle peut faire partie de la catégorie des maladies professionnelles reconnues, si celle-ci a été directement causée par le travail. Le CRRMP aura aussi émis un avis favorable à sa reconnaissance. Dans ce cas-ci, la victime aura la charge de la preuve du lien de causalité entre la maladie et l’activité professionnelle. Mais cette preuve ne sera pas difficile à rapporter par la victime qui devra simplement prouver un lien direct sans pour autant qu’il soit exclusif. Autrement dit, une origine multifactorielle (et non nécessairement due au travail) de la maladie est tolérée dans la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie tant qu’est prouvé que le travail a concouru à la maladie.

Jurisprudence

La Cour de cassation a pu admettre la reconnaissance d’une maladie professionnelle pour le cas d’un salarié exposé de par son travail au bichromate de potassium, mais qui avait par ailleurs et antérieurement souffert d’intoxication due au tabac (Cass. Soc. 19 décembre 2002, n°00-13.097). Si la preuve apparaît ici peu difficile à établir, il en va différemment pour le deuxième cas.

La maladie ne figurant pas dans un des tableaux, peut aussi faire partie de la catégorie des maladies professionnelles reconnues. Elle doit être cependant causée par le travail et entrainer soit un décès ou une incapacité permanente d’au moins 25%. L’avis favorable du CRRMP est en outre nécessaire. Présentement, la preuve est plus difficile à établir vu que l’activité professionnelle doit être la cause directe et exclusive de la maladie professionnelle ; autrement dit, l’origine de la maladie doit résider dans le travail et ne peut être multifactorielle. Dans ce cadre, et si les conditions précitées sont remplies, la loi récente n°2015-994 du 17 aout 2015 a admis que les pathologies psychiques pouvaient avoir le caractère de maladie d’origine professionnelle. Ainsi, dans les deux cas énoncés ci-dessous, si les conditions exigées pour la reconnaissance complémentaire sont réunies et que l’avis favorable du CRRMP est présent, la CPAM peut reconnaître le caractère professionnel de la maladie en question.

Déclaration des maladies professionnelles reconnues

Si une maladie professionnelle existe, pour qu’elle soit pleinement reconnue, le salarié victime doit effectuer une déclaration à la CPAM, en théorie dans les 15 jours suivant la cessation de son travail (article R461-5 du code de la sécurité sociale). En réalité, ce délai n’est qu’indicatif et le seul délai butoir existant est le délai de prescription 2 ans après le certificat médical présumant le lien entre l’activité et la maladie professionnelle. Il existe un cas particulier pour les victimes dont la maladie est constatée avant l’entrée en vigueur d’un tableau ou avant la modification d’un tableau relatif à la maladie en question, qui ont 3 mois pour effectuer la déclaration.

Pour être complète, la déclaration doit comporter un formulaire spécial fourni par la CPAM qui doit être rempli, une attestation de salaire fournie par l’employeur ainsi que deux exemplaires du certificat médical.

Dès réception complète de la déclaration et avant toute instruction, la CPAM adresse au demandeur une feuille d’accident du travail ou de maladie professionnelle lui permettant de la présenter à tout professionnel de santé et de pouvoir bénéficier de soins sans faire d’avance. Si après instruction, la demande est rejetée, il sera procédé à une régularisation des frais avancés.

Instruction des maladies professionnelles reconnues

Une fois réceptionné, la CPAM procède normalement à l’instruction de la demande, analyse le dossier afin de déterminer si, in fine, la maladie en question fait partie des maladies professionnelles reconnues est reconnue. Elle doit rendre sa décision dans les 3 mois après réception de la déclaration (excepté cas exceptionnel où ce délai est porté à 6 mois notamment quand des investigations complémentaires sont nécessaires). Autrement dit, si à l’issue de ce délai, la CPAM ne s’est pas prononcée, la maladie en question est présumée reconnue professionnelle. Si la CPAM estime que la maladie ne fait pas partie des maladies professionnelles reconnues, elle doit saisir le CRRMP qui rendra un avis, à partir duquel elle devra se prononcer. Lorsque le salarié saisit la CPAM d’une déclaration de maladie professionnelle, mais qu’il s’agit d’une maladie dont les conditions requises par les tableaux du code de la sécurité sociale ne sont pas respectées ou d’une maladie non répertoriée dans ces mêmes tableaux, la CPAM a ici obligation de saisir le CRRMP dont l’avis est contestable devant le tribunal.

Recours possible contre la décision prise par la CPAM

Si la CPAM refuse de reconnaître que la maladie fait partie des maladies professionnelles reconnues, il s’agit d’un contentieux « normal » avec examen devant la commission de recours amiables puis le cas échant devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale et parfois qui finit devant la cour d’appel qui devra avant de statuer, avoir l’avis d’un autre comité sauf si un tel avis a déjà été consulté par le tribunal des affaires de la sécurité sociale.

Conséquence liées aux maladies professionnelles reconnues

Si la CPAM reconnaît in fine que la maladie fait partie des maladies professionnelles reconnues, un salarié va pouvoir bénéficier d’indemnités notamment par la prise en charge des soins. Du côté de l’employeur, la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie va avoir des répercussions sur les cotisations réclamées à l’entreprise pour les risques d’accident du travail et de maladie professionnelle, sachant que la maladie professionnelle est présumée contractée dans la dernière entreprise où le salarié a pu être exposé aux risques sauf preuve contraire (Cass. Civ. 21 octobre 2010 n°09-67.494).

Indemnisation des maladies professionnelles reconnues

La prise en charge du risque professionnel est fonction du régime auquel les salariés ont adhéré. Plusieurs régimes prennent ainsi en charge la maladie professionnelle comme le régime général, le régime de la SNCF , régime RATP. A l’inverse, certains régimes ne prennent pas en charge les maladies professionnelles comme notamment le régime social des indépendants. Pour les régimes prenant en compte la maladie professionnelle, par principe, plusieurs indemnités vont être versées au salarié victime. Tout d’abord, ce dernier va bénéficier de la prise en charge totale des soins par l’assurance maladie jusqu’à la date de guérison ou de stabilisation de sa blessure à savoir frais médicaux, de déplacement au centre hospitalier.

Également, le salarié victime va pouvoir bénéficier d’indemnités en cas d’arrêt de travail notamment journalières pour compenser la perte de salaire. Enfin l’incapacité permanente pourra être indemnisée aussi, qu’elle soit totale ou partielle.

Ainsi, la protection des salariés victimes de maladie professionnelle est largement entretenue par le législateur qui a tâché d’instituer un large champ d’application. Dans la continuité de son souci de protection des malades, il a de même institué par la loi du 26 janvier 2016 un droit à l’oubli pour les personnes atteintes de pathologies cancéreuses qui pourront alors à nouveau, à partir d’un certain temps, contracter dans les mêmes conditions que tout individu.

Auteur de l'article: Olivia Rougeot

Olivia est diplômée d'un master 2 pratiques pénales obtenu à l'université de Montpellier et titulaire du CRFPA. Actuellement, Olivia prépare un diplôme en droit de la santé pour diversifier son domaine de compétences. Elle intervient en parallèle en tant que rédactrice, une expertise acquise entre autre dans le cadre de ses multiples stages dont un au cœur d’un commissariat.