Ordre du jour du comité d’entreprise

Par Fabrice AllegoetLe 12 mai 2016

Dans ce nouvel article consacré à l’ordre du jour du CE, il va s’agir de traiter davantage de la stratégie qu’il conviendrait d’adopter pour faire de cet ordre du jour du comité d’entreprise, un support probant et efficace. Il est en effet très important de soigner la rédaction de vos ordres du jour. Les demandes du comité d’entreprise doivent de surcroit être claires, précises et surtout intelligibles.

Un ordre du jour imprécis, mal rédigé peut conduire en la remise en cause d’un avis consultatif du comité d’entreprise ; il est donc primordial de ne pas minimiser les efforts lors de la rédaction de ce dernier (Cass. Soc. 24 juill. 1984, n° 83-12.030).

Demande clé d’un ordre du jour du comité d’entreprise

Que souhaite le comité d’entreprise ? C’est une question qu’il convient de se poser le temps d’une réunion préparatoire afin de commencer la réflexion collective autour des demandes des élus.

N’oublions pas qu’une partie d’un ordre du jour du comité d’entreprise s’apprécie comme étant le résultat du travail préparatoire de l’instance.

Ainsi, il est important d’une part de se poser « cette question » à l’ouverture des discussions et d’autre part, de ne jamais négliger que les élus sont lors des réunions plénières, tour à tour des porte-parole du comité d’entreprise.

La question peut donc paraître simple (ou simpliste) mais il n’en est rien. En réalité, il s’agit de mesurer l’intérêt des questions posées par les élus à l’occasion des réunions et d’analyser la pertinence des points portés à l’ordre du jour. Que désire le comité d’entreprise lorsqu’il interroge l’employeur ? Qu’attend-t-il de ce dernier lorsqu’il exprime des demandes particulières (points à l’ordre du jour) ? Des réponses à ces questions, naitront des actions concrètes. Celles-ci peuvent traduire des attentes plurielles comme la remise d’une documentation économique ou un besoin d’éclaircissements sur la politique salariale de l’entreprise. Dans tous les cas, la clé, c’est la formulation d’une demande compréhensible, orientée, portée par des arguments précis et réfléchis.

Par ailleurs, l’employeur en tant que président doit pouvoir répondre explicitement aux demandes du CE ; il va de soi que celles-ci doivent donc être soutenues collectivement.

Clé pour bâtir un ordre du jour du comité d’entreprise

Dès lors que les attentes du CE sont clairement identifiées, la seconde étape consiste en une rédaction ordonnée d’un bon ordre du jour du comité d’entreprise. En effet, il n’y a pas de réponses ou d’actions probantes sans qu’il n’y ait en amont un ordre du jour du comité d’entreprise déterminant et correctement rédigé. La qualité de rédaction de l’ordre du jour du CE participe à son efficacité.

1/ Faire l’ordre du jour au plus tôt

Idéalement, il peut être intéressant de le rédiger dans les quelques jours qui suivent la précédente réunion ordinaire du comité d’entreprise. Notons que l’ordre du jour contient des points périodiques, c’est-à-dire prévus dans un calendrier législatif. Ces derniers sont ainsi ajoutés naturellement à l’ordre du jour sans qu’il ne soit utile d’en débattre avec l’employeur ; ni lui, ni le secrétaire ne peuvent s’opposer sur l’adjonction d’un point obligatoire à l’ordre du jour (article L2325-15 du code du travail). À chaud, il est aussi plus facile de se souvenir des points qui n’ont pas été complètement traités de ceux qui auront été reportés. Par ailleurs, en rédigeant l’ordre du jour rapidement, cela laisse du temps pour mener des enquêtes, des sondages, ou pour trouver des informations utiles qui permettront d’enrichir le débat futur.

2/ Utilité de faire une phrase

Cela peut paraître surprenant en le disant, mais il est préférable d’écrire la demande en la formulant de manière détaillée ; faire une phrase contribue à cette fin. Par exemple, il vaut mieux écrire : « le CE souhaite disposer des informations économiques trimestrielles par écrit pour le 16 juin 2016 en vue de préparer ses questions avant la réunion ordinaire » plutôt que de résumer cette demande à son plus simple appareil « – informations économiques trimestrielles ». En effet, dans le premier cas, l’employeur sait que vous escomptez une réelle documentation et que le CE ne s’accommodera pas d’une simple projection en réunion d’une présentation Powerpoint. Par ailleurs, il ne peut pas ignorer tant à quelle date le CE souhaite recevoir ces éléments et surtout à quelles fins. Cela contribue à enserrer la demande afin d’éviter au maximum que l’employeur s’en affranchisse en précisant qu’il n’aurait possiblement pas compris la nature de la demande.

Dans le second cas de figure, la demande n’est pas claire et surtout, l’employeur peut plus aisément répondre à côté voire ne rien transmettre avant la réunion ordinaire.

L’employeur ne communique rien avant la réunion ? Il n’apporte pas davantage de réponses à vos préoccupations économiques ou sociales le jour de la réunion ? Le comité d’entreprise en prend acte et reporte ce même point à l’ordre du jour suivant – « est-ce normal ? ». Tout dépendra de la nature exacte de la demande et c’est là que se situe la grande différence. Lorsque le comité d’entreprise est très clair quant à ce qu’il veut (il a fait part de son besoin, de ses réelles intentions), alors il s’agit sans hésiter d’une défiance inacceptable pouvant constituer un délit d’entrave au fonctionnement régulier de l’instance. L’employeur compromet ce faisant son obligation loyale et régulière d’information et plausiblement ses rapports avec les élus. En revanche, une demande formulée de manière non exhaustive voire quelque peu approximative créera un dilemme au sein duquel, l’employeur s’engouffrera.

3/ Le sujet ou l’étude du point est affecté à un élu

Bâtir un ordre du jour du comité d’entreprise exige comme nous l’avons mentionné ci-avant de la précision. Celle-ci peut en outre être renforcée par l’encadrement de l’étude du sujet en l’affectant à un membre élu désigné par le CE. Ainsi, chaque point de l’ordre du jour des réunions du CE sera relié à une personne toute choisie. L’élu au-delà d’être l’interlocuteur privilégié de l’employeur durant la réunion, aura comme mission d’investiguer son sujet afin de disposer le jour de la réunion, de tous les éléments nécessaires pour défendre les attentes du comité d’entreprise. Les autres membres se rangeront derrière cet élu, ainsi investi en qualité d’expert, tant pour prendre des notes que pour le soutenir au besoin durant le débat.

Cette stratégie qui se réfléchit et s’organise lors de l’élaboration de l’ordre du jour, offre comme bénéfice d’une part, d’éviter toute cacophonie à l’occasion des débats entre les élus et le président et d’autre part, de contribuer à responsabiliser tous les membres du CE.

4/ Un sujet implique des arguments

Derrière le « pourquoi » d’une demande, il y a une motivation (un parce que…quelque chose). C’est souvent cette partie de la demande du comité d’entreprise qui fait défaut en particulier le jour des réunions. L’employeur en général le sait. Du coup, il lui arrive de botter en touche en exigeant du CE qu’il motive sa demande dixit : « j’ai pris note de votre demande mais en quoi est-ce d’une part, important pour vous et d’autre part, qu’attendez-vous de la direction au juste ? ». Et là, gros malaise après quelques secondes de « heu… », les élus répondent « un timide parce que ».  

Ce qu'il faut faire

Impératif donc de préparer des arguments solides lors de la réunion préparatoire.

Ces arguments sont construits autour de trois grands pans indissociables ; la genèse de la demande (ce qui a provoqué le besoin, l’historique du sujet lui-même) ; le cœur de la problématique (la raison du comment et du pourquoi) ; la finalité recherchée (objectif que s’est fixé le CE). Une argumentation peut aussi être nourrie par des éléments techniques et/ou juridiques. Ainsi, ils constitueront des compléments utiles pour aborder sereinement tous les points de l’ordre du jour ; ils seront également essentiels pour la rédaction du PV – les élus n’auront pas besoin de prendre des notes étant donné que ces éléments seront déjà préparés, donc transposables plus facilement.

Envoi d’un ordre du jour du comité d’entreprise

Une fois signé des parties, l’ordre du jour du CE est envoyé au moins trois jours avant la réunion (article L2325-16 du code du travail). Un délai plus favorable peut s’envisager à discrétion de l’employeur ou en accord avec lui et les membres du comité d’entreprise. Par contre, si délai supérieur il y a, il ne peut pas être imposé par le CE. Il est impossible d’inscrire une telle disposition dans un règlement intérieur unilatéral (Cass. Soc. 8 oct. 2014, n° 13-17.133).

Précisons qu’une réunion du comité d’entreprise qui se tiendrait tandis que l’ordre du jour n'aura pas été correctement élaboré, conduirait en cas de contentieux, à son annulation pure et simple (Cass. Soc. 11 févr. 2004, n° 02-11.830).

L’employeur devra de facto réunir de nouveau le comité d’entreprise sur la base d’un ordre du jour loyalement établi.

Auteur de l'article: Fabrice Allegoet

Fabrice ALLEGOET est un formateur confirmé et certifié en droit social qui s'est spécialisé dans différentes matières (santé et sécurité au travail, RSE et développement durable, management et communication en entreprise). Il est l'animateur des Podcasts "Le CSE En Clair" et "Le Droit de Savoir by CÉOS".