Comment financer les cadeaux publicitaires du CSE en toute légalité ?

Par Fabrice AllegoetLe 8 août 2019

Le boum des cadeaux publicitaires frappe aussi les CSE en France. Les salariés apprécient sans aucun doute recevoir des cadeaux de leur CSE. Il peut s’agir d’un mug personnalisé, d’une clé USB ou encore d’un porte-clés. Le point commun entre ces objets ? Ce sont en réalité des objets publicitaires personnalisés. Ils portent ainsi la griffe (le logo) du CSE. Mais est-ce pour autant finançable avec le budget de fonctionnement du CSE ? Ces objets à l’effigie du CSE n’en sont pas moins des cadeaux ?

Pourtant de nombreux promoteurs de goodies n’hésitent pas à semer le trouble dans l’esprit des élus.

Qu’entend-on par cadeaux publicitaires ?

Un objet publicitaire sert à promouvoir une entreprise en la rendant plus visible. Généralement, ce sont les commerciaux qui les utilisent. Le but étant de laisser une empreinte de leur passage afin d’entretenir la mémoire d’un prospect. Les objets publicitaires permettent avant tout de séduire un futur client. Parmi les cadeaux publicitaires les plus réputés, les bonbons et les stylos sont les plus usuels. Toutefois, selon les périodes et le type de campagne de communication, les fournisseurs rivalisent d’ingéniosité. En fonction de votre commande, il n’est pas rare de profiter d’une gamme d’objets plus distingués comme :

  • un mug isotherme ;
  • une enceinte Bluetooth ;
  • un chargeur de téléphone portable ;
  • des tapis de souris ;
  • de la bagagerie de luxe ;
  • un tee shirt avec des imprimés…

Ces cadeaux d’affaires sont largement appréciés des prospects comme des nouveaux clients. Les entreprises peuvent se démarquer et marquer des points grâce à un simple cadeau publicitaire.

Un CSE peut-il offrir des cadeaux publicitaires aux salariés ?

L’objet publicitaire se destine en réalité à un public non conquis. Or, les salariés d’une entreprise sont par définition des bénéficiaires de fait du CSE. Les élus comme cette instance n’ont donc pas besoin d’entretenir la flamme pour se rappeler au bon souvenir des salariés. Quoique c’est généralement la porte d’entrée qu’empruntent les fournisseurs de ces cadeaux publicitaires.

Sous couvert de vendre des objets de communication, ils placent des gadgets pour inciter les élus à offrir des cadeaux.

L’excuse de la communication par l’objet

Sur le site internet « Le Cadeau CE », le fournisseur dédie une page au budget de fonctionnement. Il entretient volontairement le lien entre son offre et l’hypothétique usage légal de ce budget. Il prend même à témoin un extrait d’un guide à portée juridique. Pourtant, entre l’art de communiquer avec celui d’offrir des cadeaux publicitaires, il y une différence notable. On retrouve la même promesse sur le site « Le pouvoir des objets ». Là encore, les Éditions Tissot sont prises à témoin. Petite nuance toutefois, une mention souligne qu’en cas de doute, le futur acheteur peut interroger le fournisseur. Nous ne sommes pas en revanche convaincus sur la démarche désintéressée. Sous prétexte d’aider les CSE à communiquer, des fournisseurs entretiennent le flou autour du budget de fonctionnement.

Disons-le à nouveau, l’utilisation du budget de fonctionnement à cette fin n’est pas en soi légale.

Appelons un chat un chat pour parler des cadeaux publicitaires

En se rendant sur le site « Cadeaux CE.com », on peut lire la Baseline « vous aider à leur faire plaisir ». Ici, point de doute. Le but de ce site, permettre aux élus du CSE de distribuer des cadeaux d’entreprise. Rien n’est dit sur le financement sinon qu’il ne fait aucun doute quant à la finalité d’un tel commerce. Le CSE peut trouver tous les objets personnalisés avec un marquage choisi à votre image. Au détour des nombreux sites vendant des objets promotionnels personnalisables, une phrase m’interpelle. Il est question pour désigner les salariés vis-à-vis du CSE, d’adhérents (MOP – Mes Objets Publicitaires ). Devons-nous rappeler qu’il n’en est rien ! Les salariés ne sont pas des adhérents.

Le CSE n’est pas une association. Personne ne cotise, les fonds destinés au CSE sont une quote-part de la masse salariale.

Rien n’est contestable dans le fait d’offrir des objets personnalisables en tant que tel. Les CSE peuvent donc donner aux salariés des cadeaux publicitaires. Ce qui est illégal, c’est de les financer en recourant au budget de fonctionnement. Le fait de faire apposer votre logo ou toute mention publicitaire à votre nom n’y change évidemment rien ! Ne vous laissez pas duper par des fournisseurs peu scrupuleux.

Il faut faire attention à l’URSSAF

Qui dit « cadeaux » dit avantage en nature. Pour l’URSSAF, très regardante sur le sujet, il faudra justifier de ne pas avoir abusé. Ce serait le cas si au cumul de ces cadeaux et autres bons d’achat, vous dépassiez le seuil des 5%. Celui-ci s’apprécie en s’indexant sur le PMSS (plafond mensuel de la sécurité sociale). En 2019, il s’établit à 169 € par an et par salarié. Sont toutefois exclus, certains cadeaux publicitaires. Il s’agit en réalité d’offrandes en lien avec un événement comme la traditionnelle fête de Noël. Dans ce cas, la valeur du cadeau s’ajoutera au coût de la manifestation dont bénéficie le salarié. La valeur de 169 € s’apprécie donc dans le cas présent, au niveau de l’événement.

Conseil d'Expert

Dans les deux cas, ce serait légal à condition aux delà des effets de seuil, d’utiliser le bon budget. Le CSE doit en effet utiliser le budget destiné aux activités sociales et culturelles.

Il faut bannir la culture du « pas vu pas pris »

Les élus se voilent souvent la face à propos de leur budget de fonctionnement. Ils sont persuadés d’en avoir un usage restreint au point de lui trouver d’autres vertus. À les entendre, c’est le budget de trop ! En définitive, tout les enchante à l’idée de détrousser ce budget au profit des salariés. Pourtant, les élus se trompent de diagnostic et fatalement de coupable. Ne comprennent-ils pas que ce budget sert à les aider, à les professionnaliser ? Comment peuvent-ils rivaliser avec l’autorité de l’entreprise s’ils ne disposent pas des savoirs élémentaires ?

Ce budget s’utilise pour se former, se faire assister, s’équiper, communiquer et se défendre le cas échéant.

Mais beaucoup prétextant le contraire, acceptent d’en détourner l’utilisation sans aucun complexe. Que risque-t-on au fond ? La plupart des élus se persuadent qu’ils n’encourent pas de sanctions. C’est vite faire l’impasse sur l’article 314–1 du Code pénal. Le CSE peut être condamné pour abus de confiance et devoir s’acquitter d’une amende de 375 000 €. Aussi, le détournement de fonds relève de la loi pénale. Il est vrai néanmoins qu’il faut être repéré pour être inquiet. La culture du « pas vu pas pris » donne des ailes à des élus kamikazes.

Ils jouent à la roulette russe avec l’argent de l’entreprise et dupent tout le monde à commencer par eux-mêmes.

Les cadeaux publicitaires peuvent se révéler coûteux !

Pour conclure, offrir des cadeaux aux salariés dans la perspective de leur faire plaisir, aucun problème. On peut juste s’interroger sur le véritable intérêt. En effet, étant donné la piètre qualité de ces produits et l’usage restreint qu’on leur connaît, est-ce bien raisonnable ? Le budget social s’utilise à notre sens plus honorablement. Les CSE par leurs pratiques se rabaissent souvent à séduire leur public plutôt que de chercher à l’émerveiller, le divertir. En dématérialisant leurs prestations à outrance et en cultivant le gain par l’abondance de cadeaux, les salariés deviennent addicts.

Question

Est-ce finalement le rôle du CSE de fabriquer des junkies du bon d’achat, des remises et des cadeaux en tout genre ?

Auteur de l'article: Fabrice Allegoet

Fabrice ALLEGOET est un formateur confirmé et certifié en droit social qui s'est spécialisé dans différentes matières (santé et sécurité au travail, RSE et développement durable, management et communication en entreprise). Il est l'animateur des Podcasts "Le CSE En Clair" et "Le Droit de Savoir by CÉOS".