Sexe, drogue et alcool au bureau
Le 9 juillet 2015La réglementation au sein d’une entreprise en ce qui concerne la consommation d’alcool peut parfois être confuse ; de même, beaucoup de salariés peuvent s’interroger sur le droit de fumer légalement une cigarette électronique dans l’enceinte de l’entreprise. Est-il permis de s’habiller avec des tenues légères, frôlant parfois l’indécence ? Le sexe est un sujet qui peut gêner lorsqu’il en est question sur le lieu de travail, pourtant, il est impératif de connaître les droits des salariés en matière notamment de harcèlement sexuel ainsi que les interdits qui s’y rapportent. L’usage de stupéfiants au bureau est prohibé ; que risque-t-on à fumer un joint sur son lieu de travail ?
Le comportement des salariés doit être irréprochable
D’une façon générale, au sein d’une entreprise, peu importe les relations professionnelles qui y sont établies, rien n’excuse d’adopter un comportement prohibé ou indécent voire inapproprié. Ainsi, les salariés qui se révèlent insolents ou agressifs à l’égard de leurs collègues, connaissent souvent le sort tragique du licenciement pour faute grave. En effet, lorsqu’un salarié se comporte inutilement de façon agressive et inadaptée à l’égard de ses collègues, la rupture du contrat de travail pour ce motif, est justifiée. Ce fût le cas pour une salariée qui usait d’invectives, de réprimandes gratuites et injustifiées, ainsi que d’attaques personnelles nourries de propos méprisants à l’égard d’un collègue (Cass. soc. 20 juin 2012, n° 11-22122).
Un comportement grossier voire choquant peut également engendrer un licenciement. C’est le cas lorsque le rapport au sexe s’invite dans les rapports humains. Certains arrêts ont ainsi dénoncé des situations où les limites de la décence ont été largement franchies par les protagonistes condamnés.
L’obscénité et le port d’une tenue douteuse sont répréhensibles
Est-ce qu’interroger une collègue de boulot sur l’état de son dépucelage, constitue une attitude déplacée ? Pis encore, est-ce que l’inviter à faire une petite gâterie sous le bureau, relève du bon sens et d’un certain professionnalisme ? Ces abus de langage, ces comportements obscènes et clairement condamnables sont souvent sous le feu des projecteurs. Certains salariés oublient sans doute un peu vite que l’on ne peut pas tout se permettre dans une entreprise et encore moins adopter une posture pour le moins choquante à l’égard de la gente féminine. Dans une affaire qui peut faire réfléchir, un salarié, commis de cuisine n’a cessé de multiplier ces égarements jusqu’à sans aucune gêne se montrer en slip devant ses collègues féminines, elles-mêmes cuisinières. Il a été licencié pour faute grave (Cour d’appel d’Orléans, 25 mars 2010 n°09/01890).
Dans une affaire analogue jugée près de 4 ans plus tôt, un salarié, ambulancier de son métier, avait trouvé amusant d’insulter dans un premier temps une collègue de « connasse » avant de lui montrer son slip en ricanant afin de répondre à cette dernière qui lui demandait de rester poli (Cour d’appel de Grenoble, 13 septembre 2006 n° 05/00123).
Vous pensiez que nous avions atteint le summum du gore ? Détrompez-vous car il y encore plus trash et inacceptable.
Dans une autre affaire, un moniteur travaillant avec des personnes vulnérables de par leur handicap, s’était amusé à sectionner avec une meuleuse durant un atelier, le soutien-gorge d’une personne dont il avait la charge. Il fut limoger car il résulte de ces faits qu’ils sont constitutifs d’une cause réelle et sérieuse (Cour d’appel de Bourges, 13 avril 2012 n° 11/00930).
Les comportements de cette nature sont donc à bannir surtout dans le monde du travail où la frontière avec le harcèlement sexuel n’est pas si éloignée. Rappelons que celui-ci se définit lorsque qu’un salarié impose notamment à une personne en l’occurrence, un ou une collègue, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle (article L1153-1 du code du travail). Les auteurs des faits pouvant être condamnés à de la prison et à de fortes amendes (article 222-33 du code pénal).
L’employeur dispose d’un pouvoir de direction afin d’interdire notamment des tenues pouvant nuire à l’image de l’entreprise ou altérer sa réputation. Le port de vêtements inappropriés ou vulgaires peut être interdit surtout lorsque les salariés concernés sont en contact avec la clientèle (Cass. soc. 6 nov. 2001, n° 99-43.988).
La cigarette électronique, la clope et l’usage de stupéfiants
En principe, plus aucun salarié en France n’ignore que depuis 2007, l’interdiction de fumer dans les lieux publics s’est étendue au monde du travail (article R3511-1 du code de la santé publique). Il est toutefois admis qu’un espace réservé aux fumeurs soit prévu aux abords de l’entreprise (article R3511-2 du code de la santé publique). Il faut rappeler que l’employeur peut être condamné s’il ne prend pas au sein de l’entreprise toutes les précautions d’usage afin que les salariés « non-fumeurs » ne soient pas exposés à la fumée de cigarette (Cass. soc. 29 juin 2005, n° 03-44412). En la matière, l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat vis-à-vis de ses salariés concernant le tabagisme et le tabagisme passif dans l’entreprise.
En effet, dans une affaire où une salariée fut exposée malgré elle au tabagisme passif, la Cour de cassation a jugé que cela constituait un manquement grave de sécurité de la part de l’employeur, le condamnant au versement de dommages et intérêts pour ce fait (Cass. soc. 3 juin 2015, n° 14-11324).
Cet arrêt fait réfléchir en cette période où des questions légitimes se posent quant à la nocivité de la cigarette électronique. Les règles portant sur ce qui est communément appelé le « vapotage » ne sont pas encore établies ; une proposition de loi est en cours. Elle prévoirait l’interdiction de vapoter dans « les lieux de travail fermés et couverts à usage collectif » (article L3511-7-1 nouveau du code de la santé publique). Un décret fixerait les normes des lieux dédiés au vapotage mais il semblerait que les contraintes ne soient du même acabit que pour la cigarette traditionnelle. Le législateur souhaite en outre que l’on distingue les lieux où il serait possible de fumer ou de vapoter ; l’un pour les fumeurs de clopes, l’autre pour les vapoteurs de sorte à ce que ces derniers, ne soient pas exposés à leur tour au tabagisme passif.
S’agissant de la consommation de stupéfiants (cannabis, cocaïne, héroïne…), il faut souligner que cela est contraire à l’obligation impliquant chaque salarié à prendre soin de sa santé. En effet, la loi incite les travailleurs à la plus grande prudence et vigilance en la matière (article L4122-1 du code du travail).
L’addiction à ces substances ou drogues présente des effets fâcheux pouvant augmenter le risque d’accidents du travail ou d’incidents professionnels. Ainsi, les salariés peuvent ressentir une altération de la vigilance (troubles de la concentration, voire somnolence) ; des troubles de la perception (champ de vision réduit, voire hallucinations) et voir leurs réflexes ralentis ou leur capacité d’appréciation enrayée. Il appartient à l’employeur qui peut se faire aider du CHSCT de mettre en place un plan de prévention afin d’empêcher ces addictions ou d’y mettre un terme rapidement.
Le code de la santé publique rappelle aux consommateurs de drogue qu’il s’agit d’un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 3750 euros d’amende (article L3421-1). Par ailleurs, certaines professions ne peuvent tolérer même de façon occasionnelle, une telle consommation compte tenu des risques pour la sécurité tant des travailleurs que des clients (usagers) ; c’est le cas notamment du métier de steward (Cass. soc. 27 mars 2012, n° 10-19.915).
Boire un verre d’alcool au bureau, est-ce interdit ?
Quand un salarié fabrique de l’alcool sur son lieu de travail comme ce fût le cas d’un gardien travaillant pour le propriétaire d’un château, le licenciement pour faute grave était alors inévitable (Cass. soc. 17 novembre 2011, n° 10-17950) ; cela peut faire sourire, mais des anecdotes de cette nature constituent pour l’essentiel, les réponses jurisprudentielles portant sur la consommation d’alcool des salariés dans l’enceinte de l’entreprise.
Avons-nous le droit de boire un verre d’alcool au bureau ?
Le code du travail répond en partie « oui » à cette question ; il est possible de consommer de l’alcool au bureau dès lors que cette consommation est encadrée par exemple, le temps d’un repas à la cantine et que l’alcool consommé en quantité raisonnable correspond à du vin, de la bière, du cidre ou du poiré ; autrement dit, les autres alcools comme des liqueurs par exemple, sont interdits (article R4228-20 du code du travail).
Si un salarié est trop alcoolisé sur son lieu de travail (en état d’ébriété), il peut être sanctionné à ce titre par l’employeur ; notons toutefois qu’il ne sera nécessairement licencié pour faute grave ; en effet, le recours à ce motif ne peut pas être systématique comme le rappelle très souvent la jurisprudence (Cass. soc. 20 juin 2012, n° 11-19914).