Qu’est-ce qu’un bilan carbone, qui peut le faire et dans quel but ?

Par Fabrice AllegoetLe 19 décembre 2023
bilan carbone

PCertaines activités humaines engendrent bon nombre d’émissions de gaz à effet de serre, comme le dioxyde de carbone, le méthane, le protoxyde d’azote. Puissants, ces gaz participent au réchauffement climatique. Plus qu’une simple prise de conscience de l’impact environnemental des activités de l’homme sur la planète, mesurer, quantifier ces émissions, c’est chercher des moyens de les limiter. Le bilan carbone s’inscrit dans cette logique de lutte contre le réchauffement climatique.

Bilan carbone : comprendre, mesurer, agir en faveur de l’environnement

Il faut tout d’abord définir ce qu’est un bilan carbone, comprendre les notions voisines et dévoiler la méthodologie applicable pour le réaliser.

Bilan carbone : qu’est-ce que c’est ?

Le bilan carbone, c’est un ensemble de méthodes visant à mesurer la quantité de GES produite par une organisation pour son activité ; et son suivi. Il permet d’évaluer les impacts en émission de gaz à effet de serre, s’agissant d’un produit, projet,… Sont pris en compte dans l’équation six GES reconnus par les accords internationaux (CO2 – dioxyde de carbone, CH4 – méthane, N2O – protoxyde d’azote, HFC – hydrofluorocarbures, PFC – perfluorocarbures, SF6 – hexafluorure de soufre) et trois niveaux d’impacts (scope 1,2,3) qui font allusion à des émissions allant des plus directes aux plus indirectes.

L’élaboration d’un bilan carbone se base sur une méthodologie bien définie. En France, l’on tient compte de façon générale de celle établie par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) dénommé bilan Carbone®. C’est un outil développé par l’ADEME, géré depuis 2011 par l’association bilan carbone.  Cela permet de comptabiliser les émissions directes et indirectes de GES et d’obtenir une évaluation complète en incluant les 3 scopes.  Par ailleurs, il existe d’autres méthodes de comptabilité carbone comme le GHG Protocol reconnu à l’international. Il tient compte également des émissions directes et indirectes. Il y a la norme ISO 14064 aussi reconnue à l’international et axée sur la réduction des émissions de GES.

Bon à savoir :

Par extension, il est possible de calculer le bilan carbone d’un individu en se concentrant sur les émissions en lien avec sa consommation et son mode de vie en général.

⚠️ Éviter les abus de langage, source de confusion

À noter qu’il ne faut pas confondre ces trois termes : bilan carbone complet, simplifié et neutralité carbone. Le premier tient compte des 3 scopes d’émissions comme périmètre, à savoir le scope 1,2 et 3. Il permet de structurer sa démarche bas-carbone de façon complète, car il tient compte des émissions directes/indirectes/autres émissions indirectes. Ce bilan carbone complet est obligatoire pour les entreprises de +500 salariés en métropole et +250 en outre-mer, l’État, les collectivités de +50 000 habitants. S’agissant du bilan GES simplifié, il s’arrête aux deux premiers scopes et permet d’avoir une estimation globale des émissions de GES sans tenir compte des autres facteurs indirects qui permettrait d’avoir un résultat plus détaillé. Il se concentre donc sur les principales sources d’émissions directes et indirectes liées à la consommation d’énergie (électricité), chaleur, vapeur importée, consommée par la personne morale (entreprise, collectivité…) pour les besoins de son activité. Pour ce qui est de la neutralité carbone, c’est réduire au maximum ses émissions de GES et de compenser toutes les émissions restantes.

Pour atteindre cette neutralité, il faut mettre en place des mesures pour réduire ses émissions de GES directes (chauffage dans les locaux...) et indirectes (en lien avec la chaîne de valeur : fournisseurs, transporteurs…).

✍️ Les scopes, ce qu’il faut en savoir

Il s’agit d’une classification utilisée pour identifier les émissions de gaz à effet de serre, les catégoriser, dans les bilans carbone. Il existe trois niveaux de scope : 1, 2, 3. Le scope 1 concerne les émissions directes de GES liées à la fabrication d’un produit. Pour le scope 2, il tient compte des émissions indirectes de GES en lien avec les consommations énergétiques, utiles pour la fabrication d’un produit. Le scope 3 est relatif aux autres émissions indirectes liées par exemple à d’autres étapes du cycle de fabrication d’un produit,… Grâce à ces scopes, l’on peut identifier la source des émissions de GES d’une organisation ou s’agissant d’un produit.

Bilan carbone et législation en France

Il faut tenir compte de ces différentes étapes, la loi :

  • Grenelle II en juillet 2010 pose le principe d’une généralisation d’un bilan GES pour quelques acteurs.
  • Sur la Transition énergétique pour la Croissance Verte vient compléter ce texte.
  • Énergie climat adoptée en novembre 2019 modifie le montant des sanctions et prévoit quelques améliorations comme le suivi d’un plan de transformation à publier avec le bilan GES…
  • Climat et Résilience dont l’objectif est d’accélérer notre modèle de développement pour une société neutre en carbone, plus résiliente, solidaire…

Enfin, le 1er juillet 2022, un nouveau décret vient apporter des modifications aux réglementations en lien avec le Code de l’environnement. Le scope 3 (émissions indirectes significatives) est désormais inclus dans le bilan carbone GES obligatoire.

Pourquoi réaliser un bilan carbone ?

Cela permet de répondre à quatre enjeux principaux, d’un point de vue :

  • éthique, c’est agir pour l’environnement en faisant sa part ;
  • image : c’est renforcer sa marque employeur auprès de son public cible, y compris en matière de recrutement ;
  • compétitivité, faire un bilan carbone peut apporter à une entreprise ou organisation un avantage concurrentiel sur le marché. C’est aussi demandé dans les appels d’offres et fonds d’investissement. Cela montre leur engagement envers la durabilité et ces entreprises peuvent aussi accéder à de nouvelles opportunités et financement.
  • réglementaire, c’est respecter la réglementation, surtout pour le bilan carbone obligatoire, et anticiper la loi, par exemple en matière d’éco-score, d’affichage environnemental… (double objectif de cet affichage : informer le consommateur durant son achat, encourager la production durable du côté des fabricants et distributeurs) qui deviendra obligatoire dans les années à venir en France, comme en Europe.

Le bilan GES obligatoire, s’inscrit aussi dans une démarche RSE et répond aux objectifs de développement durable.

Réalisation d’un bilan carbone : tout savoir en pratique

Cela tient compte des personnes concernées, l’établissement de ce bilan à proprement parler et qui est en droit de le réaliser.

Qui est concerné cette règlementation ?

Toutes les entreprises sont concernées par le bilan carbone, ainsi que les collectivités. Cependant, l’obligation de réaliser ce bilan concerne certaines organisations. Ce qui veut dire qu’il y a des cas où c’est obligatoire, et d’autres non. Par exemple, les services de l’État, les collectivités territoriales de plus de 50 000 habitants, les établissements publics,… doivent le réaliser tous les trois ans (article L229-25 du Code de l’environnement). Aussi, l’établissement d’un bilan carbone complet (en tenant compte des scopes 1,2,3) est obligatoire depuis le 1er janvier 2023 pour les entreprises qui emploient plus de 500 salariés en métropole et +250 en outre-mer (décret n°2022-982 du 1er juillet 2022 relatif aux bilans d’émissions de gaz à effet de serre). Et les entreprises sont tenues de le faire tous les 4 ans (article L229-25 du Code de l’environnement).

Bon à savoir :

Les entreprises bénéficiant du Plan France Relance de +50 salariés pour qui un bilan carbone simplifié des émissions de GES est possible (confère la loi de finances de 2021, art. 244).

✓ Ce qu’il faut retenir

Quoi qu’il en soit, faire un bilan carbone, que l’on soit un particulier, une entreprise, une ONG, une collectivité, une institution,… c’est contribuer à la réduction de gaz à effet de serre à son échelle et contribuer à l’effort climatique national et international. Les manquements se sanctionne à hauteur de 10 000 € contre 1500 € auparavant. En cas de récidive, le montant équivaut au double, soit 20 000 € (décret 1er juillet 2022). À noter que bon nombre d’entreprises ne réalisent pas leur bilan carbone et ne les publient pas comme il se doit sur le site de l’ADEME via la plateforme informative des BEGES, malgré les sanctions en vigueur.  Ainsi, sur ce volet, les sénateurs sont intervenus, à travers le projet de loi relatif à l’industrie verte en fixant des sanctions plus élevées à hauteur de 50 000 € et en cas de récidive ce montant est fixé au double, soit 100 000 €. Ces sanctions figurent désormais à l’article 229-25 III du Code de l’environnement.

En pratique, comment réaliser cet évaluation?

Ce bilan comprend plusieurs étapes allant de la collecte des données sur les émissions de GES, à leur conversion, en passant par la présentation des résultats obtenus sur le site de l’ADEME. Pour faire son bilan carbone, il faut garder un œil sur les six émissions de GES précitées, car ces GES ont un impact différent sur l’environnement. Il faut tenir compte de la masse de chacun de ces GES dans le calcul s’agissant de son activité.

Pour ce qui est de la méthode de calcul, elle se passe en six étapes selon l’Association Bilan Carbone devenu Association pour la transition Bas Carbone.

1️⃣ Étape du cadrage

Elle tient compte du périmètre organisationnel de la personne morale. Durant cette étape, il faut choisir un chef de projet, déterminer si le bilan se fera en interne ou s’il nécessitera le recours d’un prestataire extérieur (bureau d’études extérieur…). Il faut déterminer l’année de référence du bilan. Choisir la méthode qui sera utilisée pour la réalisation de ce bilan. Sensibiliser les collaborateurs concernés par ce bilan et plus tard par les actions à mener.

2️⃣ L’identification des sources et des émissions

Il s’agit de définir le périmètre opérationnel du bilan GES de l’organisation. Cela inclut les émissions directes et indirectes de GES. Il y a six catégories selon la norme ISO 14064-1 : directes/indirectes en lien avec l’énergie/ indirectes en lien avec le transport/ indirectes liées aux produits achetés/ indirectes en lien avec les produits vendus/ et les autres émissions indirectes. S’agissant du périmètre de déclaration (autrement dit, déterminer quelles émissions du périmètre opérationnel doivent être incluses dans le bilan d’émissions de GES), il tient compte des émissions directes provenant des sources fixes et mobiles essentielles aux activités de la personne morale (PM) ; et de celles indirectes significatives en lien avec les activités de cette dernière ; et l’usage des biens et services produits, le cas échéant.

3️⃣ L’étape de la collecte des données

Elle est indispensable pour l’établissement du bilan GES de son activité. Il faut rassembler toutes les données (monétaires et physiques) en rapport avec son activité. Celles-ci se convertissent ensuite en GES pour déterminer les émissions de gaz à effet de serre produites par l’activité d’une entreprise/organisation. La conversion d’une donnée d’activité en émissions de GES peut se faire selon deux approches : monétaire/physique. L’approche monétaire consiste à convertir la valeur monétaire en kgCO2e en se basant sur des ratios monétaires. L’approche physique vise à convertir les données physiques (kWh, km…) en kgCO2e en se fondant sur des facteurs d’émissions eux-mêmes exprimés en kgCO2e/km.

4️⃣ Le calcul du bilan et des analyses

Très complexe, il peut nécessiter le recours à un expert ou après avoir suivi une formation à la comptabilité des GES. Pour calculer l’empreinte carbone de l’entreprise, il faut multiplier toutes les données de l’activité avec les facteurs d’émission, puis additionner l’ensemble. Ainsi, il faut déterminer la donnée d’activité, la multiplier à son facteur d’émission, obtenir un résultat. Répéter ce processus pour chaque opération et enfin additionner le tout pour avoir un résultat global. Ainsi : le ratio monétaire équivaut à : prix Y × facteur d’émission monétaire pour déterminer la quantité de GES. Pour ce qui est du ratio physique, cela équivaut à la quantité consommée × facteur d’émission physique pour avoir la quantité de GES.

Les ratios monétaires et facteurs d’émissions sont disponibles via des bases de données publiques/privées. En France, c’est la Base carbone qui fait référence, elle peut être consultée gratuitement.

5️⃣ Le plan de transition

Elle suit l’étape de calcul. Il faut établir un plan d’action en incluant les parties prenantes de l’organisation interne comme externe.

6️⃣ La publication en ligne

Obligatoire pour les personnes morales visées par la réglementation, elle peut s’inscrire dans une démarche volontaire pour les autres : celle de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique et faire valoir une politique RSE ambitieuse.

S’agissant des collectivités, il faut se référer à l’article L229-25 du Code de l’environnement pour la comptabilisation des émissions de GES. Le bilan des émissions de GES porte sur le patrimoine et les compétences de ces collectivités. Il s’agit de l’ensemble des sources nécessaires à leur activité, permettant d’exercer leurs compétences conformément au travail des élus, services de la collectivité (par exemple, comme services : administration générale, logements, voirie, transports collectifs…). En tant qu’organisation, les émissions retenues sont celles liées au fonctionnement de ses activités, services, mise en œuvre de ses compétences, par une approche organisationnelle. On prend en compte les catégories d’émissions/postes d’émissions : émissions directes/indirectes/les autres émissions indirectes.

Le bilan carbone des collectivités qui tient compte du patrimoine et des compétences d’une collectivité se distingue de celui réalisé selon une approche territoriale pour cette même collectivité.

Autrement dit, le bilan carbone se distingue du diagnostic territorial des émissions de GES obligatoire dans le cadre du plan climat air énergie territorial – PCAET (article L229-26 du Code de l’environnement). Ainsi, l’approche organisationnelle (la collectivité est ici perçue comme une organisation) est à distinguer de celle territoriale (il s’agit du territoire). En fonction des cas de figure, une collectivité peut être amenée à réaliser son bilan d’émissions de GES obligatoire conformément à l’article L229-25 Code de l’environnement, et un diagnostic territorial des émissions de GES obligatoire eu égard au PCAET.

Qui peut faire un bilan carbone ?

Il est possible de le réaliser en interne ou faire appel à un prestataire extérieur (cabinet conseil), solution Saas pour calculer son bilan carbone tout en se faisant accompagner par des experts.

👨‍💻 Objectifs du bilan carbone ou comment réduire son empreinte carbone, trois idées pour passer à l’action

Les objectifs du bilan carbone visent à mesurer ses émissions de GES, identifier les sources principales d’émissions, les quantifier. Sensibiliser et informer les parties prenantes, en leur faisant prendre conscience des impacts écologiques des activités humaines, informer sur les actions à mettre en place pour réduire les émissions de GES. Développer des stratégies de réduction de GES, et mettre en place des plans d’atténuation de ces émissions.

Ainsi, il est important de prendre des mesures concrètes applicables au quotidien comme :

  • Mettre en place des gestes écologiques (miser sur la sobriété énergétique, améliorer son efficacité énergétique, améliorer sa politique d’achats…) ;
  • Compenser son empreinte carbone : reforestation … ;
  • Une vraie prise de conscience

Faire son bilan GES (accompagné d’un plan de transformation en faveur de la réduction des émissions de GES résultant de son activité) et le publier ; donner la priorité aux projets locaux à fort impact social, etc.

Réaliser son bilan carbone, c’est participer progressivement à une démarche développement durable.

Être en conformité avec la loi, être conscient de l’ampleur de son empreinte carbone, et des actions à mettre en place de façon ciblée pour lutter contre le réchauffement climatique. C’est aussi un acte de responsabilité envers la planète, et d’inciter les autres à en faire davantage.

Auteur de l'article: Fabrice Allegoet

Fabrice ALLEGOET est un formateur confirmé et certifié en droit social qui s'est spécialisé dans différentes matières (santé et sécurité au travail, RSE et développement durable, management et communication en entreprise). Il est l'animateur des Podcasts "Le CSE En Clair" et "Le Droit de Savoir by CÉOS".