Le compte professionnel de prévention
Le 4 avril 2018Vous êtes exposé à des risques professionnels dans le cadre de votre emploi ? Le compte professionnel de prévention (C2P pour les intimes) est alors susceptible de vous intéresser. Ce dispositif permet aux salariés concernés de bénéficier d’avantages particuliers en contrepartie des facteurs de risques inhérents à leur travail.
Du compte pénibilté au compte professionnel de prévention
Issu de la réforme du Code du travail par ordonnances du 22 septembre 2017, le compte professionnel de prévention n’est en réalité que le successeur de l’ancien « compte pénibilité ou compte personnel de prévention de la pénibilité » (ou 3CP). Le dispositif initial, institué par une précédente loi du 20 janvier 2014, n’avait pas rencontré un grand succès auprès des employeurs. Ceux-ci l’avaient en effet jugé trop complexe, s’agissant notamment de l’évaluation des risques.
Tout d’abord en arrondissant les angles : on parle désormais de « prévention » en abandonnant toute référence à une quelconque pénibilité. Outre cette évolution terminologique, le régime du compte de prévention reste globalement le même. Les modifications concernent avant tout la liste des risques professionnels pris en compte et le mode de financement. Le compte professionnel de prévention « nouvelle version » a donc remplacé l’ancien mécanisme depuis le 1er octobre 2017.
À noter que les points acquis avant cette date ont été transférés de l’ancien au nouveau dispositif.
Qui peut bénéficier du compte professionnel de prévention ?
Seuls les salariés dont le contrat de travail est conclu pour une durée d’un mois minimum sont concernés par le dispositif du compte professionnel de prévention (article R4163-8-1 du Code du travail). Le Code du travail énumère de façon limitative les risques pris en compte au titre du compte professionnel de prévention. Il s’agit d’abord des environnements de travail soumis à un niveau de pression supérieur à celui de la pression atmosphérique, à des grandes chaleurs ou grands froids, ainsi qu’à des nuisances sonores. Sont également prises en compte les conditions de travaux particulièrement pénibles : travail nocturne, répétitif ou alternance d’équipes successives (article L4163-1 du Code du travail).
Le nouveau dispositif ne tient en effet plus compte des ports de charge, positions incommodes, vibrations et produits chimiques nocifs. Ces facteurs, jugés trop difficiles à évaluer par les employeurs, sont désormais pris en compte au titre du départ en retraite anticipée pour cause d’incapacité permanente. L’exposition au risque n’est toutefois prise en compte qu’à condition de dépasser les seuils fixés par décret (article D4163-2 du Code du travail). Les nuisances sonores, par exemple, doivent correspondre à un niveau égal à 135 décibels pour une fréquence d’exposition minimale de 120 fois par an. Les protections collectives ou individuelles mises à dispositions des salariés sont toutefois prises en compte pour apprécier ces seuils.
Alimenter le compte professionnel de prévention
L’employeur a d’abord l’obligation d’évaluer les facteurs de risques pris en compte au titre du compte professionnel de prévention. Il procède ensuite à une déclaration annuelle d’exposition pour chacun des salariés concernés (article L4163-1 du Code du travail). Cette formalité est en principe effectuée dans le cadre de la déclaration annuelle des données sociales (DADS) ou de la déclaration sociale nominative (DSN). En cas d’erreur, elle peut être modifiée jusqu’au 15 avril de l’année suivante ou dans les 3 ans si la rectification profite au salarié.
Information pratique
Il ne peut en être de même pour les salariés embauchés ou ayant quitté l’entreprise en cours d’années puisqu’ils ont été exposés au risque pour une durée moindre. Ces chiffres sont alors respectivement portés à 1 et 2 points pour chaque période d’exposition de 3 mois – l’ensemble des déclarations successives étant agrégées pour les CDD et intérimaires (article R4163 -9 du Code du travail). En tout état de cause, ces chiffres sont doublés pour les salariés nés avant le 1er juillet 1956 (article R4163-10 du Code du travail). Enfin, le score maximum pouvant être attribué à un salarié pour l’ensemble de sa carrière a été fixé à 100 points.
Conseil d'Expert
Comment utiliser le compte professionnel de prévention ?
À tout moment de sa carrière, le salarié peut mobiliser son solde de points pour suivre une formation, réduire son temps de travail ou bénéficier d’un départ en retraite anticipée (article L4163-7 du Code du travail). Les points étant consommés à l’unité ou par tranche de 10, un panachage de ces différentes options peut être envisagé. Attention : les 20 premiers points inscrits sur le compte (les 10 premiers pour les salariés nés entre 1er janvier 1960 et 31 décembre 1962 inclus) sont en principe réservés pour la formation. Les salariés nés avant le 1er janvier 1960 ne sont toutefois pas concernés par cette affectation prioritaire (article R4162-13 du Code du travail). Le dispositif est géré par la CARSAT (ou la mutualité sociale agricole pour les salariés concernés). La demande d’utilisation doit donc être prioritairement formulée auprès de ces organismes. Elle peut également être faite en ligne (article R4162-15 du Code du travail).
Utilisation de son compte professionnel de prévention pour se former
Les points attribués au titre de l’exposition à des risques professionnels peuvent être affectés au compte personnel de formation (CPF) du salarié. L’utilisation d’un point permet alors de financer de 25 heures de formation. La formation envisagée doit permettre au salarié de se reconvertir dans un métier moins pénible. Elle devra donc être jugée éligible au dispositif par la caisse au regard du poste présentement occupé et de la reconversion envisagée (article R4162-12 du Code du travail). En cas d’acceptation, l’organisme délivre un récépissé permettant au salarié de formuler sa demande dans le cadre du CPF (article R4162-14 du Code du travail).
Utiliser son compte professionnel de prévention pour réduire son temps de travail
Le compte professionnel de prévention peut également permettre un passage à temps partiel. Les points sont alors utilisés pour financer un complément de rémunération. Le bénéficiaire continue ainsi de percevoir sa rémunération habituelle, comme s’il poursuivait le travail à temps plein. Le nombre de jours indemnisés est obtenu par la formule suivante : nombre de points utilisés/10 X 45/ coefficient de réduction de la durée du travail. Chaque tranche de 10 points donne ainsi droit à 3 mois de travail à mi-temps (article D4163-26 du Code du travail). Avant de s’adresser à la CARSAT, le salarié doit formuler sa demande auprès de l’employeur selon la procédure en cours au sein de l’entreprise (article D4162-18 du Code du travail). Celle-ci ne peut conduire à réduire son temps de travail en dessous de 20% ou au-dessus de 80% de la durée collective de travail appliquée dans l’entreprise.
L’employeur est contraint d’accepter, sauf à pouvoir opposer une impossibilité liée à l’activité économique de l’entreprise (article L4163-10 du Code du travail).
Le compte professionnel de prévention au service de sa retraite anticipée
Le salarié âgé de 55 ans et plus peut également utiliser son compte professionnel de prévention pour obtenir un départ en retraite anticipée (article L4162-10 du Code du travail). 10 points suffisent alors pour majorer son assurance vieillesse d’un trimestre. Si le compte professionnel de prévention a d’ores et déjà remplacé l’ancien compte pénibilité, les droits reconnus aux salariés en contrepartie des points obtenus ne seront pleinement effectifs qu’à compter du 1er janvier 2019.