Les bons d’achat du CSE, de vrais cadeaux aux salariés
Le 19 mai 2020Les comités sociaux et économiques (CSE) apprécient d’offrir des cadeaux aux salariés. Parmi ces offrandes courantes, les bons d’achat trouvent une bonne place. À de maintes occasions, les CSE en distribuent. Dans leur esprit, cela participe à la valorisation du pouvoir d’achat des salariés. Le bon d’achat devient une manière de payer ses achats du quotidien.
Est-ce incontestablement un gain ? Cela profite-t-il vraiment au pouvoir d’achat ?
D’aucuns prétendent que le gain s’analyse en cela que le salarié réalise des économies en payant ses emplettes avec ces bons d’achat. Aussi, le gain n’est plus direct, fruit du salaire par exemple. Il devient indirect, résultat des économies réalisées. Ce serait réellement merveilleux, si la plupart des achats n’étaient pas limités à des dépenses mercantiles. En effet, il n’est pas possible de comparer ces cadeaux aux salariés avec un salaire ! Faut-il rappeler que le salaire participe aux dépenses du foyer ? Il n’est pas possible de payer son loyer, son assurance voiture, la cantine de ses enfants ou encore sa nourriture avec un chèque-cadeau !
Par conséquent, il conviendrait de ne pas mettre au même plan, ces deux sources de revenus.
Les cadeaux aux salariés, associés au « faire plaisir »
Le bon cadeau ou les cartes-cadeaux grèvent considérablement le budget des activités sociales du CSE. Et pour cause, le CSE en supporte 100% le coût, sans compter les frais de gestion dont il s’acquitte parfois. Le montant du bon d’achat (valeur faciale) varie en fonction de l’événement et du nombre de personnes susceptibles d’en profiter. Dans la pratique, le montant est plus faible pour l’anniversaire d’un salarié au contraire de ce que le CSE offre à Noël. Le temps du cadeau personnalisé est-il révolu ? Il est vrai que de nos jours le contenu de la politique sociale des CSE semble moins inventif et émulant. Sans doute la faute de la vénalité d’un système qui enferme les élus à faire des cadeaux aux salariés.
Pourquoi les CSE cherchent-ils à faire plaisir aux salariés ?
C’est une vraie question intéressante à poser. Certains répondraient que la raison est surtout électoraliste, d’autres pencheraient pour la volonté de satisfaire les salariés à tout prix. Quoi qu’il en soit, ce qui guide les élus adeptes des cadeaux aux salariés, est moins l’intérêt général que l’envie de « faire plaisir ». Peut-être pour s’attirer les bonnes grâces des salariés ? Plus largement, ne serait-ce pas un moyen de fidéliser les salariés à sa cause ?
Pourquoi les bons d’achat prennent autant d’importance ?
La raison principale s’inscrit dans la recherche permanente de simplification et de simplicité. Beaucoup d’élus plaident pour ce type de prestations. Ils estiment que cela permet de donner la même chose à tout le monde. En outre, les élus ne concèdent que peu de temps à la gestion des activités sociales. Aussi, offrir des bons d’achat, c’est l’assurance de maximaliser la satisfaction des salariés tout en investissant peu de temps. Le problème, c’est que cela installe dans l’esprit des salariés, une sorte d’acquis social. De fait, pour certains, les bons d’achat et autres cadeaux aux salariés deviennent avec le temps un dû. Ils en sont d’autant plus friands que leur rapport à l’argent même sous cette forme en devient addictif. Pour preuve, lorsque le CSE veut mettre un terme à cette abondance d’offrandes, les salariés sont vent debout.
Pour la plupart, pas question de revenir sur cette coutume, dont l'irréversibilité s’impose. L’accoutumance individualiste prend clairement le pas sur l'esprit collectif des activités sociales.
Quand les cadeaux aux salariés sont un moyen de paiement
Bon d’achat ou carte-cadeau, le trait commun à ces deux produits, ce sont des moyens de paiement. Ils se présentent sous des marques connues comme Cadhoc du groupe UP ou encore Tir Groupé du groupe Sodexo. Ces entreprises jouent la carte du multi-enseignes en précisant que l’utilisation de leurs bons est valable dans tous les magasins. Mais leur argument principal n’est pas celui-ci. Les commerciaux aiment souligner qu’en acquérant des bons d’achat, le client ne paye ni cotisations sociales ni charges sociales (Urssaf). Il lui faut parfois en contrepartie respecter un plafond.
Déroulé de l’Interview sur les bons d’achat du CSE
Jacques : Vous êtes élu d’un CSE (comité social et économique), peut-être l’aviez-vous déjà été d’un comité d’entreprise (CE) ? Moi, lorsque j’étais élu, j’avais coutume de dire quand les salariés me demandaient des bons d’achat que le CE n’était pas la CAF ! Je suis avec Fabrice Allegoet d’OSEZ VOS DROITS pour vous expliquer les implications de cette devise. En effet, les activités sociales et culturelles ne se résument pas à de la transaction et à des distributions de chèques.
Fabrice : C’est vrai et malheureusement, c’est ce qu’on observe de plus en plus. Les salariés sont très demandeurs des bons d’achat. Cela revient à demander en réalité de l’argent. Sans doute la faute d’une rémunération qui s’essouffle avec le temps. Dans ces conditions, on va voir son CSE, parce qu’on manque d’argent. La réponse prend la forme par exemple :
- d’un chèque culture ;
- de chèques vacances ;
- d’un bon d’achat pour la retraite ;
- d’un bon d’achat pour la fête des Mères ;
- d’un bon d’achat pour la fête des Pères ;
- d’un bon d’achat pour la naissance d’un enfant ;
- d’un bon d’achat pour un mariage…
En fait, on célèbre l’argent sous toutes ses formes grâce à cette multiplicité de transactions. Il serait préférable d’ailleurs que cet argent profite davantage au climat social. C’est quand même le propre des activités sociales et culturelles (ASC).
Le CSE n’est pas élu pour donner des primes
Jacques : Qui négocie le montant de l’argent (du budget des activités sociales et culturelles) ? Ce sont les organisations syndicales dans le cadre des NAO (négociations annuelles obligatoires). Mais aussi, le comité social et économique, bien qu’il ne s’agisse pas de sa fonction première. Le CSE est un organe consultatif, moins revendicatif, en cela, replaçons les choses dans leur contexte. Aussi, céder à la pression des salariés en donnant un bon d’achat, c’est parallèlement accepter que l’employeur n’octroie plus de primes ni d’augmentations.
Fabrice : Cela peut sembler une forme détournée pour soi-disant encourager le pouvoir d’achat des salariés. Mais, il ne s’agit en réalité que d’une illusion. Les salariés ont l’impression de s’enrichir quelque peu grâce à ces bons d’achat du CSE. Il est certain que des employeurs profitent de cela pour limiter les augmentations de salaire. Ils vont même jusqu’à mettre dans leur guide (livret d’informations de tout nouvel embauché) un chiffrage de la valeur ajoutée des activités du CSE. Quand on parcourt ce guide, on se rend compte que les ASC se résument à quelques euros par-ci, quelques euros par-là.
À quoi devraient servir les bons d’achat ?
Jacques : Si vous deviez donner un conseil aux élus qui nous regardent, comment utiliser les bons d’achat ? En effet, il ne faut pas tout écarter, le bon d’achat peut avoir en soi une vertu pour répondre à certaines circonstances. Mais, il faut être vigilant pour ne pas tout résumer aux bons d’achat. De facto, quel conseil vous donneriez aux élus quant à la part que doit prendre le bon d’achat dans le cadre de la redistribution ?
Fabrice : Si j’avais un conseil à donner, il conviendrait d’utiliser le bon d’achat pour des bons culturels. Le but est d’aider les salariés à découvrir leur patrimoine à l’instar des musées, des théâtres, des châteaux… Il faudrait pour les autres activités sociales et culturelles en profiter pour fédérer les salariés autour d’événements communs et conviviaux. L’objectif est de partager du temps autrement que pour des raisons professionnelles.
Ce qu’il faut retenir à propos des cadeaux aux salariés
La tentation est forte de s’adonner à une distribution massive de bons d’achat, de cadeaux aux salariés. Pourquoi ne pas faire évoluer sa politique sociale pour proposer des activités plus rassembleuses et ainsi améliorer le climat social ? Le gain que suppose l’octroi de ces bons est assez illusoire. Les salariés achètent souvent des produits dont le besoin n’est pas réel. Par conséquent, au quotidien, cela ne constitue pas une aide sérieuse.
Si le pouvoir d’achat doit nettement augmenter, il est préférable de miser sur les revalorisations de salaire.