Comment déclencher un droit d’alerte économique ?
Le 9 juillet 2019Le droit d’alerte économique peut-il encore avoir de beaux jours devant lui ? Pourquoi suis-je inquiet ? La raison principale puise sa source au cœur de la nouvelle réglementation issue des ordonnances Macron. Jadis, le comité d’entreprise (CE) qui disposait de la même faculté n’était pas inquiet par le coût d’une telle mesure. Pour le comité social et économique (CSE), l’histoire change. Désormais, en choisissant de recourir au droit d’alerte économique, celui s’expose financièrement. En effet, si la procédure se poursuit par la nomination d’un expert-comptable, le CSE devra payer 20% de la facture. Sans doute cela risque de refréner les ardeurs des plus engagés.
Évidemment, cette nouvelle façon de procéder profitera aux employeurs. Pour les élus du CSE, l’histoire nous le dira.
Que se cache-t-il derrière le droit d’alerte économique ?
L’article L2312-63 du Code du travail souligne la possibilité pour tout CSE de déclencher une procédure d’alerte économique. Précisons que les représentants du personnel du CSE disposent d’attributions économiques et sociales importantes. À ce titre, cette délégation du personnel surveille la marche générale de la société. Cela la conduit à se poser de nombreuses questions sur les possibles difficultés économiques de l’entreprise. Le législateur permet aux élus d’être consultés chaque année à cette fin. C’est ainsi que les membres du CSE rendent un avis tant sur les orientations stratégiques. Il en est de même pour la situation économique et financière de l’entreprise. Le chef d’entreprise doit tant expliquer sa vision que rassurer les élus sur ses capacités financières.
Ce qui motive le déclenchement de la procédure d’alerte économique
Il arrive dans de nombreux cas que les élus du CSE doutent de la santé économique et financière de leur entreprise. Certains indices les mettent en général sur la voie. L’employeur communique peu sur ses intentions, il tarde même à actualiser la BDES (lorsqu’elle existe). Lors des réunions, il s’exprime avec difficulté sur les problématiques du moment (passage à vide, baisse du chiffre d’affaires, perte de clients, compétitivité en berne…). Les politiques de l’entreprise en matière de dépenses se resserrent. Ainsi, les postes vacants ne sont plus renouvelés, les salaires ne sont pas augmentés, le personnel est invité à limiter les frais… Les salariés perdent progressivement leurs avantages. L’employeur ne verse plus de participation et d’intéressement.
Les élus peuvent néanmoins se saisir du problème en recourant à leur droit d’alerte économique. Par définition, tout ce qui affecte de manière préoccupante l’économie de l’entreprise et sa stabilité financière doit alerter le CSE. C’est pour cette raison principalement que ce dernier peut déclencher une telle mesure.
Les étapes de la procédure de droit d’alerte économique
Si les élus sont préoccupés par ce qui peut affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, ils peuvent demander des explications à l’employeur. Cela débute généralement par la demande d’une réunion extraordinaire. Cette demande pour être valable doit émaner de la majorité des membres titulaires. L’employeur convoque ensuite le secrétaire du CSE afin d’arrêter l’ordre du jour de la réunion.
Le point principal de l’ordre du jour consiste à obliger l’employeur à répondre à une série de questions très orientées. Le but étant de s’assurer au cours de la réunion tant de l’apport suffisant d’informations que de réponses claires. L’enjeu pour l’employeur est de taille. Il est absolument central de convaincre les élus de la bonne santé de l’entreprise. Le cas échéant, si la situation économique de l’entreprise est réellement en péril, il faut qu’il s’en explique.
Lors de la réunion, les échanges entre l’employeur et les élus doivent concourir à les rassurer sur des questions aussi importantes que le maintien de l’emploi. Les élus peuvent être inquiets quant à la mise en œuvre probable d’un plan de sauvegarde de l’emploi.
Possibilité de recourir à l’assistance d’un expert-comptable
Lors d’une suspension de séance, le CSE délibère sur la suite qu’il entend donner aux explications de l’employeur. Les élus peuvent en conclure que celles-ci sont de nature à éteindre l’incendie de toutes leurs inquiétudes. Au contraire, si l’employeur n’a pas été convaincant, les élus peuvent souhaiter poursuivre la procédure d’alerte. Le recours du droit d’alerte économique peut donner lieu en conséquence à la désignation d’un expert-comptable du CSE. L’article L2315-92 du Code du travail offre la faculté au CSE de se faire assister. L’assistance d’un expert permet d’établir un rapport circonstancié sur la situation économique de l’entreprise. Ce dernier contrairement aux élus, peut accéder à des informations légales d’un niveau supérieur. C’est comparable à ce que peut demander le commissaire aux comptes.
Conseil d'Expert
Présentation du rapport et fin de la procédure d’alerte
À l’issue de sa mission d’analyse, l’expert-comptable au cours d’une nouvelle réunion présentera son rapport. Le but étant d’éclairer les élus du CSE quant à la situation à laquelle il faut faire face. Toutes les informations données au cours de cette réunion sont transcrites dans un procès-verbal. Celui-ci fera foi au besoin des délibérations. L’intérêt final consiste à entendre la réponse motivée de l’employeur aux remarques de l’expert et aux inquiétudes des élus. Même si la voix consultative des élus pèse parfois peu dans le débat qui les confronte à l’employeur, leur voix porte. Les salariés sont en effet sensibles aux révélations de leurs représentants. Ils le sont encore davantage dans pareil cas, leurs emplois étant potentiellement en danger.
Pourquoi certains élus n’osent pas recourir à ce droit ?
De nombreux élus doutent de l’utilité du droit d’alerte économique, car bien souvent, ils en redoutent la portée négative. Peu formés ou rompus à traiter la matière économique de l’entreprise, les élus renoncent à faire valoir ce droit.
Le manque de formation fragilise les élus
Il faut donc commencer par former les membres élus au fonctionnement d’une entreprise. Il y a une richesse de savoirs à emmagasiner – il ne faut pas en avoir peur. Les élus peuvent soit profiter de la formation économique du CSE ou se porter sur des formations CSE plus ciblées. Dans les deux cas, ces stages sont nécessaires et participent à la professionnalisation des élus. Il appartient aux élus de financer les frais pédagogiques avec leur budget de fonctionnement. Celui-ci est régulièrement sous-utilisé par les élus qui n’investissent pas assez sur le développement de leurs compétences.
La peur de cristalliser le dialogue social est dangereuse
Les élus veulent ménager la susceptibilité de l’employeur. Ils déploient à cette fin tous les artifices possibles pour entretenir avec ce dernier, de bonnes relations.
Pour quel résultat ?
- Le plus souvent, l’employeur se joue d’eux.
- Il communique peu sur le fonctionnement de l’entreprise.
- … ne consulte pas les élus ou le fait tardivement en dépit des règles à observer.
- refuse tout compromis.
- peine à donner les moyens d’action aux élus.
Combien souffrent de l’absence d’un local, d’une BDES, d’un budget clair ? Et tout ça pour quel objectif ? Encourager de « bonnes relations » ? Les élus devraient d’abord se sentir animés par leurs obligations à l’égard des salariés. Leur mission est de concourir sincèrement à l’amélioration des conditions de travail. Ils s’assurent de l’employeur qu’il respecte également les droits des salariés.
S’il faut parfois en passer par des discours appuyés et par un degré d’exigence affirmé, qu’il en soit ainsi. Les relations sociales pour être au beau fixe ne peuvent pas être aseptisées !