Le droit de retrait du salarié
Le 6 novembre 2016Parmi les droits des collaborateurs d’une entreprise se trouvent le droit de retrait du salarié. Il permet au salarié de se retirer de son lieu de travail dès lors que, pour un motif dit raisonnable, il pense que la situation de travail en cours présente un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé. Ainsi, le fait d’exercer son métier avec du matériel défectueux tel que des problèmes de freinage sur un camion ou des installations n’étant pas conformes aux normes de sécurité a été jugé comme caractérisant des motifs raisonnables d’exercer son droit de retrait (Cass. Soc. 1er mars 1995, n°91-43.406). Tout autant de conditions à réunir pour caractériser ce droit.
Étudions par conséquent chacune de ces conditions plus en détail afin d’aborder les aspects du droit de retrait sous toutes les coutures.
Définition légale du droit de retrait du salarié
Le droit de retrait du salarié trouve son origine dans la loi (Loi n°82-1097 du 23 décembre 1982). Cette dernière a inséré dans le code du travail l’article L231-8 instaurant ce droit pour le salarié. Suite à une ordonnance de 2008, le droit de retrait du salarié est désormais prévu par les dispositions de l’article L4131-1 du code du travail. Au titre de ce même article, l’employeur se voit imposer certaines obligations de ne pas faire. Il est effectivement interdit à l’employeur d’imposer à son ou ses salariés de reprendre leur travail dans une situation mettant leur vie ou leur santé en danger. Il est également fait interdiction à l’employeur de procéder à une retenue sur salaire de l’employé ayant fait usage de son droit de retrait (article L4131-3 du code du travail).
Cas pratiques
Conditions d’exercices du droit de retrait du salarié
Devoir d’alerte et droit de retrait du salarié. Avant de pouvoir faire usage de son droit de retrait, le salarié a tout d’abord un devoir d’alerte. Comment se matérialise un tel devoir ? Il ne s’agit pas de déclencher toutes les alarmes de votre lieu de travail en courant et criant dans toutes les allées « Au feu ! ». Aussi cocasse que puisse être le fait d’imaginer cette scène, le code du travail dispose en effet que le droit de retrait du salarié ne doit pas créer une nouvelle situation de danger (article L4132-1 du code du travail). Le cas échéant, imaginez la panique…
Le devoir d’alerte se caractérise ainsi par un simple avis à votre employeur ou représentant de ce dernier sur le fait que vous pensez qu’un danger grave et imminent menace votre santé ou vie sur votre lieu de travail.
« Simple » doit être interprété au sens littéral du terme. Aucune règle n’est en effet à respecter sur le formalisme de cet avis. Ainsi, l’entreprise dont le règlement intérieur de l’entreprise imposant de signaler tout évènement de ce type par écrit a été condamnée à modifier ces articles litigieux (CE, 12 juin 1987, n°72388). Bien que cet arrêt date de 1987, il n’en est pas moins une excellente illustration des dispositions du code du travail sur la caractérisation du devoir d’alerte du salarié auprès de son employeur.
Ce dernier doit alerter l’employeur d’un danger grave et imminent qu’il a lui-même constaté ou dont un salarié lui a fait part. Dans cette situation, le membre du CHSCT doit également faire parvenir à l’employeur un avis devant cette fois-ci être rédigé par écrit afin d‘être consigné dans un registre prévu à cet effet. En cas de désaccord sur la réalité de la gravité et de l’imminence du danger, les membres du CHSCT se réunissent et l’inspecteur du travail peut être convié à cette réunion.
Qualification du motif raisonnable
Le code du travail et les juges se basent en effet sur le critère – aussi flou que la pensée d’un poisson rouge – du motif raisonnable. Que qualifie-t-on de « raisonnable » ? Sinon impossible, inutile de chercher une définition unique. Il faut nécessairement déduire de ce type de qualificatif que les juges rendent leur décision au cas par cas. Mais afin de rendre cette décision, les juges prennent en considération certains facteurs tels que la condition physique et psychologique du salarié à l’instant T où ce dernier a exercé son droit de retrait (CA Pau, 5 mai 2008, n°06/02088). Ainsi, aucune obligation de preuve ne pèse sur le salarié dans la mesure où le code du travail emploie effectivement l’expression « motif raisonnable de penser ».
Analyse de l'auteur
Motif externe ou interne au salarié
Dans le premier cas, il peut en effet s’agir d’une situation créée par des installations, des machines, d’autres salariés tel que le harcèlement, peu importe sa forme ou des violences, des conditions climatiques, des prescriptions médicales (Cass. Soc. 10 mai 2001, n°00-43.437) etc. Mais le motif peut également être interne et relatif à un état de santé ne permettant pas à un salarié d’occuper tel ou tel poste. Il en est ainsi de la fonction de câbleuse d’une salariée atteinte d’une scoliose. Le médecin de celle-ci avait prescrit un aménagement de poste qui, n’ayant pas été respecté par l’employeur, a conduit la Cour de cassation à accueillir favorablement la demande de condamnation de l’entreprise (Cass. Soc. 11 décembre 1986, n°84-42.209).
Droit de retrait du salarié face à un danger grave et imminent
Au même titre que le motif raisonnable, c’est la « floue attitude » autour de la notion de danger grave et imminent, également sujette à une appréciation souveraine des juges du fond. Avant même d’étudier les qualificatifs « grave et imminent », une circulaire a tout de même posé une définition du danger. Ce dernier est caractérisé dès lors que des conséquences graves pour la santé ou l’intégrité physique du ou des salariés existent (Circulaire DRT n°93/15 du 25 mars 1993). Précisons par ailleurs que danger et pénibilité au travail ne doivent pas faire l’objet d’une confusion. Ainsi, il a été jugé que le fait de travailler sur un chantier dont l’objet était la pose d’un plancher au deuxième étage même en présence du vent et de la pluie ne constituait pas un danger propre à justifier un droit de retrait (Cass. Soc. 20 janvier 1993, n°91-42.028).
En revanche, le fait pour des agents de la SNCF d’être victimes d’agression à plusieurs reprises a constitué un danger grave et imminent légitimant le droit de retrait de 126 agents (Cass. Soc. 22 octobre 2008, n°07-43.740).