Réagir à un licenciement pour faute lourde
Le 28 février 2017Cet article va traiter du cas d'un licenciement pour faute lourde afin d'éclairer les salariés sur le niveau de gravité que requiert cette santion particulière et assez marginale comparativement au nombre des licenciements en France. Soulignons avant toute chose, qu'aujourd’hui, le monde du travail a évolué et il est de plus en plus rare de faire toute sa carrière professionnelle dans une même entreprise. Nombre de CV sont fournis d’expériences acquises auprès de plusieurs employeurs. Ainsi, il y a trois temps dans le monde du travail : arriver à son poste, être en poste et quitter l’entreprise. Incontestablement, on observe un « changement » entre le monde du travail de nos jours et celui d’une dizaine d’années. Changer d’employeur est le lot commun pour un salarié dans sa vie professionnelle et cela pour plusieurs raisons : reconversion professionnelle, reprendre ses études, suivre son conjoint, changer tout simplement d’entreprise, être chassée par une autre entreprise, se mettre à son compte.
La séparation du salarié et de l’employeur est encadrée. Elle peut être à l’initiative du salarié, c’est une démission ou un abandon de poste. À l’initiative de l’employeur, par un licenciement.
Les licenciements sont divers et variés : licenciement économique, licenciement pour inaptitude professionnelle… et licenciement pour faute. La rupture peut aussi être scellée par une entente commune sous la forme le plus couramment d’une rupture conventionnelle. Concentrons-nous sur les licenciements pour faute. Il y a plusieurs fautes et cela dépendra de la gravité de celle-ci. En effet, il y a le licenciement pour faute simple, faute grave et faute lourde. Tout d’abord, la faute simple : elle se caractérise par un non-respect du contrat de travail, comme des absences ou retards répétitifs. Ensuite, la faute grave est caractérisée dès que le maintien du salarié au sein de l’entreprise pendant le préavis est impossible. Enfin, lorsqu’il y a intention de nuire on parlera de faute lourde.
Est-ce que le salarié peut effectuer son préavis dans l’entreprise ? Est-ce qu’il avait l’intention de nuire à son employeur au moment des faits ? Il est important de qualifier le type de faute, car elle ne se traite pas de la même manière au regard des indemnités.
Caractérisation d’un licenciement pour faute lourde
Le code du travail ne définit pas clairement l’intention de nuire. La jurisprudence au fil des années clarifie cette notion. Elle se définit notamment par le fait d’un salarié de favoriser une entreprise concurrente dans laquelle son épouse est présente (Cass. Soc du 24 septembre 2008, n° 07-42.652). L’intention doit être clairement affirmée. Il doit s’agir du but premier recherché. La conséquence de l’acte ne sera pas regardée et n’aura aucun impact sur la gravité de la faute.
Le licenciement pour faute lourde implique de nuire à l'employeur
Dans l’hypothèse d’un détournement de 60 000 euros, ou d’un abus de fonction pour obtenir 18 000 euros, il faut identifier le but recherché. En effet, eu égard aux sommes importantes, le désir de ces salariés n’est pas de « nuire à leur employeur », mais de s’enrichir personnellement. L’employeur subit « seulement » la conséquence du détournement de fonds. La volonté du salarié dans la commission du fait fautif n’est pas de lui porter préjudice. Par conséquent, se servir sur les comptes de l’employeur pour s’enrichir personnellement sans volonté de lui nuire, n’est pas constitutive d’un licenciement pour faute lourde. L’intention de nuire est indépendante de l’élément intentionnel délictuel et de la connaissance du salarié de la conséquence de ses actes (Cass. Soc du 22 octobre 2015, n° 14-11.801).
Ainsi, le fait pour un salarié de reconnaître les conséquences de l’acte fautif ne justifie pas un licenciement pour faute lourde.
Un salarié, suite à un repas d’entreprise « arrosé », refuse d’être raccompagné par un autre salarié sobre jusqu’à son domicile. En état d’ébriété, le salarié reprend le volant du véhicule d’entreprise et provoque un accident mortel. Il n’avait pas l‘intention de nuire à l’employeur, mais ne pouvait ignorer qu’en étant ivre, il est illégal et dangereux de conduire (Cass. Soc du 29 avril 2009, n° 07-42.294).
Également, le moment de travail effectif est important. L’intention de nuire n’est pas caractérisée, lorsqu’un salarié crée sa propre entreprise concurrente à son « futur ancien employeur » si son activité effective débute après la rupture de son contrat de travail. En effet, les actes qu’il a mis en œuvre pendant sa présence en entreprise n’étaient qu’à titre préparatoire. L’activité effective de son entreprise a été lancée suite à la rupture de son contrat de travail. Clairement, la volonté première du salarié était de préparer sa future activité et non de nuire à l’employeur. Il ressort de cette jurisprudence qu’une faute lourde peut seulement être caractérisée si le salarié cumule les deux activités (Cass. Soc du 23 septembre 1992 n° 91-41.312).
Cet acte a été effectué suite à la rupture de son contrat de travail. Ainsi, il n’avait plus de lien avec son entreprise et le fait de « chasser » des salariés relève tout simplement de « l’offre et de la demande » du marché. Tout salarié peut être « approché » par des chasseurs de têtes ou une entreprise concurrente débouchant sur une proposition et une négociation. À ce moment-là, et suite à la négociation se posera la question des clauses de non-concurrence. Sans clause, le salarié est libre de choisir entre rester aux conditions qu’il connait à son poste actuel, ou changer pour un poste identique à d’autres conditions nouvellement négociées.
Conseil d'Expert
Les suites d’un licenciement pour faute lourde
Il est important de bien définir la faute, car elle n’aboutit pas aux mêmes conséquences pour le salarié. Pour la faute simple, le salarié percevra une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis de licenciement et une indemnité compensatrice de congés payés. Pour la faute d’une gravité supérieure, à savoir le licenciement est prononcé pour une faute grave, seule l’indemnité compensatrice de congés payés sera due. À propos du licenciement pour faute lourde, aucune indemnité n’était allouée, pas même l’indemnité compensatrice de congés payés. Mais depuis la décision du Conseil Constitutionnel du 2 mars 2016 (n° 2015-523 QPC), le licenciement pour faute lourde ouvre droit aux mêmes indemnités qu’un licenciement pour faute grave concernant ses droits en matière de congés payés. En effet, ont été déclarées inconstitutionnelles les dispositions du code du travail (ancien article L3141-26 du code du travail) relatives à la privation de l’indemnité de congés payés dans le cas d’un licenciement pour faute lourde. La nouvelle disposition issue de la loi de 2016 ne fait plus mention de cette confiscation (article L3141-28 du code du travail).
Le Conseil constitutionnel avait été saisi le 2 décembre 2015 pour répondre de l’opposition entre l’article 7 de la directive 2003/88/CE 2003 et la privation des congés payés en cas de licenciement pour faute lourde.
La directive relative à l’aménagement du temps de travail consacre le droit pour chaque salarié à quatre semaines de congés payés par an et rien ne prévoit la perte de ce « droit ». Également, une différence de traitement était présente entre les employeurs affiliés à une caisse de congés payés et les non affiliés. L’article prévoyait l’exclusion du retrait de l’indemnité compensatrice de congés payés pour les employeurs affiliés à une caisse de congés payés. La différence de traitement entre deux salariés licenciés pour faute lourde était manifeste et non justifiée. L’affiliation ou non de l’employeur ne justifie en rien la différence de traitement. Ainsi, le Conseil constitutionnel a « gommé » la différence de traitement entre le licenciement pour faute lourde et le licenciement pour faute grave.
Poursuites possibles