Doit-on se méfier des lobbies environnementaux à propos de la transition écologique ?
Le 29 décembre 2023Parler de transition écologique, c’est aussi envisager l’intervention de nombreux acteurs, tels que les lobbies environnementaux. Au regard de leurs actions, leur influence, il est possible de s’interroger si leurs interventions sont toujours bénéfiques ou au contraire nécessitent la méfiance. Pour apporter un éclairage à cette question complexe, il faut analyser les intérêts, méthodes, conséquences de ces lobbies dans la transition écologique. Ainsi, établir leurs impacts positifs ou négatifs permettra de répondre à la question.
Les lobbies environnementaux face à la transition écologique : qui sont-ils et quelles sont leurs actions ?
Il convient de leur apporter une définition et d’analyser la portée de leurs actions par rapport à la transition écologique.
Définition des lobbies selon la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP)
Le lobbying ou la représentation d’intérêts s’apparente à une action où s’engage une prise de contact. Celle-ci s’établit avec celles et ceux chargés d’élaborer et de voter les décisions publiques. Il peut aussi s’agir d’acteurs en charge de l’action publique nationale ou locale pour influencer ces décisions. À titre d’illustration : une entreprise sollicite un rendez-vous avec le préfet pour qu’il agisse sur une réglementation en lien avec son secteur d’activité.
Les lobbies et le cadre juridique français
Les représentants d’intérêts sont soumis à des obligations déclaratives, et des règles déontologiques (article 18-5 de la loi n°2023-907) ; exercer leur activité avec probité et intégrité est de rigueur. Ils doivent à cet effet s’inscrire au répertoire accessible sur le site de la HATVP, transmettre certaines données : l’identité de leur organisation, les sujets qu’ils abordent dans leurs activités de représentation d’intérêts. Ils doivent également soumettre tous les ans leur déclaration d’activité à la Haute autorité s’agissant des actions menées au cours de l’année précédente et les moyens utilisés pour la représentation d’intérêts.
Ce répertoire est une mine d’or d’informations pour les citoyens, car ils sont ainsi au courant des relations entre lobbies et responsables publics s’agissant des prises de décision ; et au fait de l’impact des lobbies sur la prise de décision publique.
Les lobbies et leurs actions : comment faut-il s’en protéger ?
Les négociations quelles qu’elles soient impliquent des lobbies. Les lobbies sont des groupes de la société civile organisés et qui poursuivent des objectifs politiques.
Il existe plusieurs types de lobbies :
- scientifiques ;
- de protection de l’environnement ;
- autochtones pour mettre en évidence les revendications des communautés locales touchées par les problématiques environnementales ;
- économiques qui représentent des entreprises individuelles/secteurs industriels.
Tous ces lobbies, s’ils peuvent différer au niveau de leurs objectifs, stratégies d’influence, ressources, se rejoignent néanmoins au niveau de leurs actions.
Entre autres :
- organiser des décisions informelles/réunions en tête-à-tête, transmettre aux décideurs publics des informations/expertises pour convaincre leur cible ;
- envoyer des suggestions pour influencer la rédaction d’une décision publique.
Ainsi, que ces lobbies soient industriels, sociaux, politiques, ils ont par leurs actions, une influence significative sur le processus politique et la prise des décisions.
Se méfier des lobbies en se protégeant : comment faire ?
La transparence et l’intégrité dans les pratiques de lobbying sont une façon de protéger l’intérêt général, à l’instar du cadre légal français avec les fameuses obligations déclaratives et déontologiques. Pour aller plus loin, il y a aussi le fait de rester vigilant sur les pratiques utilisées par les lobbies, les fameuses stratégies pour tenter de parvenir à leurs fins :
- menacer (faire perdre un soutien, délocaliser l’entreprise…) ;
- faire appel à des influenceurs ;
- utiliser des groupes d’opinion par la création de collectifs en ligne pour diffuser des messages de plus en plus puissants ;
- faire différer les prises de décisions, etc.
Les lobbies, en faveur de la transition écologique ?
Il faut envisager le but de ces lobbies, leur utilité et leurs impacts par rapport à la transition écologique.
Le but des lobbies en général et des lobbies environnementaux en particulier eu égard à la transition écologique
Ces groupes « de pression » exercent leur influence de différentes façons comme précédemment citées :
- campagnes d’influence sur les réseaux sociaux ;
- envoyer des pétitions, tracts ;
- organiser des débats publics, des marches ;
- influencer les décisions politiques, etc.
Et sont présents dans divers domaines : santé, énergie, environnement…
Les lobbies sont partout, leur influence au-delà des frontières, si bien que selon la finalité des actions posées, celle-ci peut être néfaste comme positive pour la société en général, et pour la transition écologique en particulier, s’agissant les lobbies environnementaux. L’on peut citer l’exemple du lobbying à 360° ou quand le lobbying indirect se fait à travers des campagnes de communication pour biaiser le débat public ou façonner l’opinion du grand public. Faire douter, voilà une autre façon de procéder.
L’utilité des lobbies environnementaux pour la transition écologique
S’il est facile de dresser un tableau noir, il ne faut pas non plus s’y perdre. Les lobbies jouent aussi un rôle crucial dans la transition écologique, leur utilité réside justement dans leur capacité à faire pression, influencer les décisions. Les lobbies environnementaux dont l’intérêt est réellement pour la défense de l’environnement et assurer une transition écologique, sont en mesure de sensibiliser les décideurs politiques, les entreprises, les citoyens… aux enjeux environnementaux. Ils attirent l’attention sur ces problématiques et catalysent les efforts nécessaires pour y remédier. Cela peut passer par des lois plus strictes, de politiques en faveur de la transition écologique. Les recherches approfondies menées, la collecte et l’analyse des données scientifiques, l’élaboration des recommandations fondées sur des preuves solides, sont autant de façons d’agir pour la transition écologique. Ils veillent aussi à ce que ces mesures énoncées soient prises.
En somme, grâce à leur travail de sensibilisation, de surveillance, de mobilisation citoyenne (des bénévoles engagés pour l’environnement), les lobbies environnementaux peuvent contribuer à promouvoir un modèle durable.
Crainte justifiée ou injustifiée s’agissant des lobbies à propos de la transition écologique : l’exemple des lobbies environnementaux
Nous allons partir de différents exemples pour comprendre l’influence positive ou négative des lobbies. Prenons simplement le cas de lobbies économiques dans un domaine comme le pétrole, qui pratiquerait du greenwashing juste pour camoufler leurs activités polluantes. D’autres exemples peuvent être cités : la bataille du nutri-score, dont l’objectif des lobbies est de le décrédibiliser. Idem en matière d’éco-score avec pour objectif de torpiller le score environnemental des aliments à leur avantage.
Autre cas, celui de la loi Climat et Résilience pour le volet publicité ayant fait grand bruit.
Au final, l’interdiction s’est soldée en un échec puisque celle-ci est limitée aux publicités en faveur des énergies fossiles. Pour les autres secteurs, c’est sur la base de simples engagements. De plus, nous sommes dans un flou s’agissant des sanctions, puisque pour rendre effective cette interdiction de la publicité des énergies fossiles, il faut un décret d’application non encore pris à ce jour.
✍️ Un autre exemple, celui de la qualité de l’eau menacée par les lobbies
Les eaux européennes sont polluées par le mercure (40 % des masses d’eau), la directive cadre de l’UE sur l’eau met l’accent sur la protection de l’environnement, l’usage durable de l’eau par la non-dégradation de la qualité des eaux. Les lobbies sont passés à l’offensive, afin d’affaiblir ces directives dans leur intérêt. Ils réclamaient même l’affaiblissement du principe pollueur-payeur ; mettaient en avant des coûts et complications qu’occasionne cette réglementation, conduisant parallèlement à l’autorisation de projets dangereux…
D’un côté, il y a des lobbies industriels qui peuvent être préoccupants pour l’environnement et la transition écologique, puisqu’ils vont par tous moyens chercher à perpétuer des pratiques et politiques en défaveur de l’environnement. Pourquoi pas exercer des pressions pour ralentir la transition écologique ou l’entraver. Par exemple, en faisant différer la prise de décision en réclamant des études approfondies, en rajoutant des amendements pendant l’étude d’une loi, etc. De l’autre des lobbies environnementaux, mais là encore, il faut distinguer les good cops/des bad cops. Dès l’instant que l’on est motivé par le profit, il devient absurde de penser que tous les lobbies environnementaux agissent de la même manière.
Ainsi, il est important de prendre en compte les intérêts des lobbies, qu’il soit question de lobbies environnementaux ou autres, et leur impact potentiel sur les mesures prises par la suite par les pouvoirs publics. Pour poursuivre, il y a aussi la problématique des financements des ONG qui luttent pour l’environnement et la transition écologique. Quelle réelle légitimité peut-on tirer d’une ONG dont le but est de défendre la planète et qui est financé par des lobbies économiques/industriels, attirés par le profit ?
Ces exemples peuvent faire douter sur la finalité de leurs objectifs, raison d’être, essence même. Certains y voient là des lobbies déguisés en ONG.
⚠️ Comment dans ces conditions, séparer le blé de l’ivraie ?
Il existe dans tout ce « capharnaüm », des lobbies environnementaux réellement engagés pour l’environnement, à l’instar de Surfrider Europe spécialisée dans la protection de l’environnement. Leur objectif est de porter des actions de plaidoyer pour l’adaptation du cadre législatif aux enjeux environnementaux. C’était le cas pour la réduction du plastique. Il y a aussi France Nature Environnement (FNE), dont l’objectif est de se battre pour la protection de la nature, l’environnement à travers des plaidoyers. Autrement dit, en faisant passer ce message aux décideurs publics, économiques, élus, journalistes, citoyens lambdas (jeunes/adultes)… D’autant plus que cette association demeure transparente sur son financement (visible sur son site) : donateurs individuels, entreprises mécènes et partenaires, acteurs publics.
Parfois, entre lobbies et marketing d’influence, il n’y a qu’un pas. Les stratégies utilisées en attestent.
Par exemple, se tourner vers des influenceurs sur les réseaux sociaux pour porter leur voix. Si la méfiance est de mise, ne la généralisons pas pour autant. Certains arrivent réellement à tirer leur épingle du jeu en ayant de bonnes motivations. Désignons celles qui ne se concentrent pas uniquement sur le profit. Cette façon de penser s’inscrit réellement en faveur de la transition écologique.